Deux synthèses sur l’évolution de la contamination radioactive à Fukushima

Un article de revue synthétise les connaissances acquises sur la contamination de l’environnement terrestre à Fukushima et son évolution. Il est en accès payant, mais l’IRSN en a mis une version gratuite en ligne.

L’AIEA a aussi publié une synthèse des connaissances sur les transferts des radioéléments dans l’environnement de Fukushima. Le document est en libre accès ici.

La reconstruction de la région affectée par la triple catastrophe de 2011 absente du discours du nouveau premier ministre sur les défis qui l’attendent

Dans un éditorial, l’Asahi souligne que la reconstruction de la région affectée par la triple catastrophe de 2011 ne fait pas partie de la liste des défis qui attendent le nouveau premier ministre Yoshihidé Suga. Elle est aussi absente de son programme de gouvernement. Les habitants de la région sont inquiets.

Le gouvernement précédent, de Shinzô Abe, avait augmenté le soutien aux mesures de reconstruction au cours des cinq années qui ont suivi la catastrophe, passant de 19 000 milliards de yens à 25 000 milliards de yens. Les projets d’infrastructure seront en grande partie terminés pour le dixième anniversaire.

Mais seulement 10 % environ du montant total des fonds publics ont été dépensés pour réhabiliter les industries locales et soutenir les moyens de subsistance des victimes. De nombreux terrains d’habitation nouvellement aménagés restent vacants parce que les projets n’ont pas été adaptés à la baisse de la population. Environ 30 % des terrains surélevés destinés à la construction de logements, mis à disposition dans le cadre de “projets de réajustement foncier”, sont inutilisés.

Une enquête gouvernementale sur les entreprises qui ont reçu des subventions pour réparer ou remplacer les installations et équipements endommagés, fait apparaître que 46 % des personnes interrogées ont déclaré que leurs ventes avaient retrouvé leur niveau d’avant la catastrophe. Cependant, il existe de grands écarts entre les industries. Dans le secteur de la construction, qui a largement bénéficié des dépenses de travaux publics, 74 % des personnes interrogées ont déclaré que leurs ventes s’étaient redressées, tandis que ce chiffre était de 32 % pour la pêche et l’industrie alimentaire.

Dans la préfecture de Fukushima, il y a d’autres difficultés à surmonter. Il s’agit notamment de la gestion des déchets radioactifs issus de la décontamination et l’eau radioactive qui s’accumule à la centrale nucléaire de Fukushima dai-ichi, de la levée des ordres d’évacuer dans les zones désignées comme de retour difficile et de la reconstruction des communautés alors que seuls 30 % des résidents sont revenus après la levée des ordres d’évacuation.

Le législateur doit apporter un soutien matériel et moral aux personnes qui sont encore contraintes de vivre en tant qu’évacués. Comment le nouveau Premier ministre va-t-il protéger les moyens de subsistance des habitants de cette région ?

Le nouveau gouvernement ne semble pas avoir l’intention de revoir la politique énergétique du pays, alors qu’aucun réacteur nucléaire n’a été remis en service depuis l’été 2018 et que la mise en service de l’usine de retraitement a encore été repoussée. Va-t-il maintenir les objectifs irréalistes du gouvernement précédent ?

Des ordres d’évacuation vont être levés sans décontamination à la condition qu’il n’y ait pas de retour

Article initialement daté du 27 août et mis à jour

Les autorités japonaises ont levé tous les ordres d’évacuer, sauf dans les territoires les plus contaminés, classées en zones dites de retour difficile. A Futaba et Ôkuma, les deux communes les plus touchées car la centrale de Fukushima daï-ichi est sur leur territoire, le centre, classé en zone de retour difficile, a été décontaminé pour leur permettre de pouvoir continuer à exister.

Pour lever ses ordres d’évacuer, le gouvernement a fixé plusieurs conditions : que les travaux de décontaminations soient terminés, que l’exposition externe ne dépasse pas 20 mSv/an, que les infrastructures et services aient été rétablis et qu’une consultation ait eu lieu. Mais, à la demande de la commune d’Iitaté, il a revu ces conditions.

L’accès au district de Nagadoro de cette commune reste interdit à cause des niveaux élevés de contamination, alors que l’ordre d’évacuer a été levé ailleurs. Il y avait très peu de résidents avant la catastrophe nucléaire. Comme nous l’avons déjà mentionné, les élus veulent y créer un “parc de réhabilitation” et ont donc demandé l’autorisation d’y accéder.

Selon le Maïnichi, avant de donner une réponse favorable, le gouvernement a consulté l’Autorité de régulation nucléaire. Les nouvelles conditions pour lever l’ordre d’évacuer sans effectuer de travaux de décontamination, outre le fait que les résidents ne se réinstallent pas chez eux, sont que les doses annuelles d’exposition aux rayonnements ne dépassent pas 20 millisieverts, que les doses individuelles soient contrôlées à l’aide de dosimètres et que des informations soient fournies pour limiter l’exposition. Pour l’Autorité de régulation les conditions sont essentiellement les mêmes qu’avant et elle a donné son accord.

C’est une façon d’entériner le non-retour des populations dans certaines zones, sans le reconnaître.

Les autorités veulent aussi y faire des essais de “recyclage” des terres contaminées à partir de mars 2021. Comme l’explique de Fukushima Minpo, repris par le Japan Times, le projet remonte à 2016, et après un an de négociations, la commune a cédé. De la terre issue de travaux de décontamination devrait donc être apportée sur 186 hectares afin de les transformer en terre arable.

Les 5 autres communes qui ont une partie de leur territoire classé en zone de retour difficile, ne veulent pas que ces nouvelles mesures soient appliquées sur leur territoire. Elles craignent que le gouvernement les poussent à suivre l’exemple d’Iitaté, ne sachant pas quels sont les plans gouvernementaux en dehors des centres réhabilités. Dans un éditorial, le Maïnichi demande à ce que la décision pour Nagadoro ne soit pas généralisée.

Le dernier bilan officiel du ministère de l’environnement sur les travaux de décontamination et la gestion des déchets engendrés est ici en anglais.

Corruption chez les compagnies de construction qui ont reconstruit le Tôhoku

Quatre majors du BTP, Shimizu, Hazama Andô, Kajima et Taisei, ont bénéficié de plus de 1 000 milliards de yens (8 milliards d’euros) de contrats dans le cadre de la reconstruction du Tôhoku. Le travail a essentiellement été effectué par des sous-traitants. Les travaux incluaient la gestion des déchets du tsunami, la reconstruction et la décontamination.

Selon l’Asahi, des sous-traitants ont créé des caisses noires avec l’argent des contribuables qui ont servi à payer des repas, du vin et des cadeaux à des cadres des 4 majors. Il y aurait même eu des fêtes dans des boîtes de nuit et des voyages à l’étranger. La somme des caisses noires dépasserait les 160 millions de yens (1,3 millions d’euros). L’argent proviendrait de surfacturations.

C’est le centre des impôts de Tôkyô qui a découvert les malversations.

Selon un employé d’un sous-traitant, sa compagnie a dû payer pour plus d’un million de yens de boissons dans une boîte de nuit huppée pour un cadre de Kajima. Elle a aussi dû payer une montre de luxe que le cadre voulait offrir à une hôtesse aux Philippines, ainsi que de fréquents voyages dans ce pays. Il recevait entre 300 000 et 500 000 yens d’argent de poche à chaque occasion.

Un sous-traitant de Shimizu basé à Tôkyô, engagé dans les travaux de décontamination d’Ôkuma a aussi surfacturé sa prestation pour créer une caisse noire d’une valeur de plusieurs dizaines de millions de yens. Cet argent a servi à verser du cash à un cadre de Shimizu qui supervisait le chantier à 1à occasions. Il a aussi servi à lui payer un dîner.

Un cadre de Hazama Andô aurait encaissé pour environ 10 millions de yens de pots de vin de la part d’un sous-traitant engagé pour détruire des bâtiments de Namié.

Les deux cadres de Shimizu et de Hazama Andô ont quitté les compagnies après l’investigation du centre des impôts de Tôkyô. L’Asahi cite d’autres exemples. les centres des impôts d’Ôsaka et de Sendaï enquêteraient aussi.

TEPCo ne sait pas comment reprendre des sacs de sable très contaminés

Au début de la catastrophe, TEPCo avait utilisé les sous-sols de deux bâtiments pour y mettre de l’eau très contaminée. Elle avait mis des sacs de sable chargé en zéolites pour absorber le césium.

La compagnie veut maintenant purger les sous-sols de l’eau contaminée, mais elle ne sait pas comment reprendre le sable. Il y en a 26 tonnes, selon l’Asahi. Des mesures de débit de dose auraient été effectuées en décembre 2018 faisant apparaître des valeurs élevées. Des investigations complémentaires ont été effectuées depuis à l’aide d’un robot plongeur. Les sacs émettraient 3 à 4 sieverts par heure ! C’est une dose létale en quelques heures ! Un échantillon de sable prélevé avait une concentration en césium de 130 GBq/kg (130 milliards de becquerels par kilogramme).

TEPCo devait avoir fini de purger l’eau à la fin 2020. Ce sera après 2023. L’eau, pour le moment, sert d’écran aux radiations émises par les sacs. La compagnie doit trouver un moyen de reprendre les 26 tonnes de sable et de les emballer dans des conteneurs suffisamment protecteurs.

La parade de la flamme olympique annulée avec le report des JO

La flamme olympique devait partir de J-Village le 26 mars et parader durant 3 jours dans la province de Fukushima. TEPCo avait même préparé une belle présentation de ses travaux de décontamination du parking de J-Village. Des associations avaient alerté sur les niveaux résiduels le long du parcours de la flamme.

Mais la pandémie de COVID-19 a entraîné le report d’un an des JO de Tôkyô et de la parade. Cela ne sera peut-être pas suffisant car le coronavirus sera probablement toujours présent.

La flamme olypique sera exposée pendant un mois à J-Village, qui a servi de base arrière à TEPCo au début de la catastrophe. Puis, elle sera exposée à Tôkyô en mai.

Rapport de Greenpeace sur la contamination radioactive à Fukushima

Greenpeace International vient de publier, à l’occasion du neuvième anniversaire de la catastrophe nucléaire, un rapport en anglais sur la contamination à Fukushima : Radioactivity on the move 2020: Recontamination and weather-related effects in Fukushima (communiqué, rapport en anglais, photos et vidéos).

L’organisation a fait des relevés de débit de dose ambiant et trouve toujours de nombreux points chauds dans des zones où l’ordre d’évacuer a été levé. Par ailleurs, pour certains points, le niveau a augmenté depuis l’an dernier. Cela pourrait être dû aux typhons qui ont frappé la région à l’automne dernier. Des sacs de déchets radioactifs avaient été emportés.

Elle demande au gouvernement japonais de revoir sa politique de retour dans les territoires contaminés.

Ordre d’évacuer levé dans une toute petite partie de Futaba, d’Ôkuma et de Tomioka

Comme prévu, le gouvernement a levé l’ordre d’évacuer d’une toute petite partie de Futaba, commune entièrement évacuée. C’est la première qu’un tel ordre est levé dans une zone classée en “retour difficile”. L’exposition serait passé sous le seuil de 20 mSv/an, qui est encore très élevé.

Outre la dimension symbolique, le but principal est de rouvrir la voie de chemin de fer Jôban. L’ordre d’évacuer a été levé devant la gare. L’ordre d’évacuer sera aussi levé le 5 mars devant la gare d’Ôno, dans la commune d’Ôkuma et le 10 mars devant celle de Yonomori à Tomioka. Le train devrait reprendre du service dans ces gares à partir du 14 mars.

La surface totale des zones devant ces trois gares où l’ordre d’évacuer a été levé est de 0,54 km2. Personne ne va y vivre pour le moment.

Le gouvernement a aussi levé les restrictions d’accès de deux autres parties de Futaba, pour préparer le retour des habitants. Ils ne peuvent pas y habiter pour le moment, mais y aller dans la journée sans demander un permis. Cela ne représente que 4% de la superficie de la commune.

Il y avait 7 000 personnes à Futaba avant l’accident.

Le gouvernement veut faire passer la flamme olympique dans cette commune, à partir du 26 mars prochain. Mais, à cause du coronavirus, il devrait y avoir pas ou peu de spectateurs.

Les autorités veulent lever les ordres d’évacuer à proximité des gares de la ligne Jôban situées en zone de retour difficile

La ligne de train Jôban, qui longe parfois le littoral, a été partiellement détruite par le tsunami. Elle traverse aussi les zones évacuées à proximité de la centrale de Fukushima daï-ichi.

Depuis, elle est progressivement reconstruite et va jusqu’à Tomioka où l’ordre d’évacuer a été levé. La commune et le gouvernement se sont mis d’accord pour ouvrir la gare suivante, celle de Yonomori, située en zone de retour difficile. L’ordre d’évacuer y sera levé le 10 mars 2020, ainsi que le long de la route de 1,1 km qui permet de l’atteindre. Le débit de dose moyen y serait de 0,63 µSv/h.


Carte de l’Asahi.

La ligne devrait être entièrement rouverte en mars 2020 après la réhabilitation de la portion de 20,8 km située entre Tomioka et Namié. Les premiers essais viennent d’avoir lieu sur cette portion de ligne. Le gouvernement négocie avec les communes suivantes pour lever l’ordre d’évacuer à proximité des gares d’Ôno, à Ôkuma et de Futaba.

Gare de Futaba sur le site de l’Asahi :

Le gouvernement veut aussi lever l’ordre d’évacuer dans les parties les moins contaminées de la commune de Futaba pour pouvoir prétendre que la commune existe toujours. En effet, c’est la dernière commune à être encore entièrement évacuée. Pour Ôkuma, qui se partage la centrale accidentée avec Futaba, une petite zone a rouvert en avril dernier. La date envisagée pour Futaba est le 4 mars 2020.

La zone concernée correspond aux districts de Hamano et Morotaké (voir la carte ci-dessus). Elle fait 200 ha, soit à peine 4% du territoire de la commune. Mais les habitants ne pourront pas rentrer avant 2022 car il faut encore rétablir les services, comme l’eau.

En septembre dernier, des légumes ont été semés à Morotaké pour la première fois depuis le début de la catastrophe, à titre expérimental. La rue commerçante, devant la gare, n’a, quant à elle, pas été réhabilitée.

Ce seront les premières levées d’ordre d’évacuer en zone dite de retour difficile, où l’exposition pouvait dépasser les 50 mSv/an lors de la mise en place du zonage en 2011.

Article scientifique de revue sur la décontamination des sols

Un article scientifique de revue fait le point sur la décontamination au Japon. Il est en libre accès. Voir aussi le communiqué de presse du CEA. Ce travail de revue se base sur une cinquantaine de publications scientifiques et ne prend pas en compte la littérature grise, à savoir les rapports officiels que l’on peut trouver en ligne sur les sites internet de différents ministères ou organisations internationales. Il n’apporte pas d’information nouvelle.

Le césium, qui est le contaminant majeur à Fukushima, se fixe sur les sédiments argileux et se trouve essentiellement sous forme particulaire dans l’environnement. Cet article scientifique ne prend en compte que cette forme et ignore, par exemple, les microparticules vitreuses qui concentrent la radioactivité qui ont été détectées un peu partout.

Rappelons que les zones décontaminées ou à décontaminer ne concernent que les parties habitées ou agricoles. Il n’y a pas d’intervention dans les forêts, qui couvrent près de 75% des zones contaminées, mis à part quelques zones où il y a eu des coupes à blanc pour produire de la biomasse, comme ici, sur cette photo de l’ACRO :

Ces forêts constituent un réservoir potentiel à long terme de césium et elles peuvent recontaminer les zones habitées comme à la suite de typhons, par exemple.

Il y a aussi eu une division entre les zones évacuées et les zones non-évacuées. Ces dernières, qui correspondent aux zones où le débit de dose dépassait 0,23 µSv/h, couvraient 7 800 km2 sur 102 communes dans 8 provinces et concernaient environ 1,7 million d’habitants.

Les méthodes utilisées sur les terrains agricoles dépendaient des zones et du niveau de contamination. Le retrait de la couche supérieure sur 5 cm là où la contamination dépassait 5 000 Bq/kg, avec parfois la mise en place d’une nouvelle couche, ou simplement un labour profond pour retourner le sol avec ajout de potassium et de zéolites, là où la contamination était inférieure à 5 000 Bq/kg. La deuxième méthode ne génère pas de déchets. L’article donne une évaluation des coûts et de la quantité de déchets engendrés en fonction des méthodes retenues (voir le tableau ci-dessous).

L’efficacité de ces mesures est très variable et dépend des situations. Par exemple, certaines rizières étaient recontaminées par des champs en amont non encore traités.

La lisière des forêts à proximité des habitations et des routes n’a été décontaminée que sur 20 m :

En ce qui concerne les déchets engendrés par ces pratiques, on retrouve ce qu’il y a dans les synthèses de l’ACRO, comme celle-ci, en images. L’article précise que la gestion des déchets est responsable de 50% du coût total de la décontamination.

En guise de conclusion, nous reprenons un extrait du tableau 2 de l’article pour les terrains agricoles :

Méthode Efficacité Coût par hectare
Nombre de sacs de déchets par hectare
Coupe des herbes, retrait de 5 cm de sol, ajout de sol frais 0,34 – 0,80 9,5 MY (7600€) 815
Coupe des herbes, retrait de 5 cm de sol 0,34 – 0,80 6,25 MY (5000€) 815
Echange entre la couche superficielle et couche profonde 0,34 – 0,80 3,10 MY (2500€) 0
Labour avec ajout de zéolite et potassium 0,21 – 0,50 0,33 MY (265€) 0