Des ordres d’évacuation vont être levés sans décontamination à la condition qu’il n’y ait pas de retour

Article initialement daté du 27 août et mis à jour

Les autorités japonaises ont levé tous les ordres d’évacuer, sauf dans les territoires les plus contaminés, classées en zones dites de retour difficile. A Futaba et Ôkuma, les deux communes les plus touchées car la centrale de Fukushima daï-ichi est sur leur territoire, le centre, classé en zone de retour difficile, a été décontaminé pour leur permettre de pouvoir continuer à exister.

Pour lever ses ordres d’évacuer, le gouvernement a fixé plusieurs conditions : que les travaux de décontaminations soient terminés, que l’exposition externe ne dépasse pas 20 mSv/an, que les infrastructures et services aient été rétablis et qu’une consultation ait eu lieu. Mais, à la demande de la commune d’Iitaté, il a revu ces conditions.

L’accès au district de Nagadoro de cette commune reste interdit à cause des niveaux élevés de contamination, alors que l’ordre d’évacuer a été levé ailleurs. Il y avait très peu de résidents avant la catastrophe nucléaire. Comme nous l’avons déjà mentionné, les élus veulent y créer un “parc de réhabilitation” et ont donc demandé l’autorisation d’y accéder.

Selon le Maïnichi, avant de donner une réponse favorable, le gouvernement a consulté l’Autorité de régulation nucléaire. Les nouvelles conditions pour lever l’ordre d’évacuer sans effectuer de travaux de décontamination, outre le fait que les résidents ne se réinstallent pas chez eux, sont que les doses annuelles d’exposition aux rayonnements ne dépassent pas 20 millisieverts, que les doses individuelles soient contrôlées à l’aide de dosimètres et que des informations soient fournies pour limiter l’exposition. Pour l’Autorité de régulation les conditions sont essentiellement les mêmes qu’avant et elle a donné son accord.

C’est une façon d’entériner le non-retour des populations dans certaines zones, sans le reconnaître.

Les autorités veulent aussi y faire des essais de “recyclage” des terres contaminées à partir de mars 2021. Comme l’explique de Fukushima Minpo, repris par le Japan Times, le projet remonte à 2016, et après un an de négociations, la commune a cédé. De la terre issue de travaux de décontamination devrait donc être apportée sur 186 hectares afin de les transformer en terre arable.

Les 5 autres communes qui ont une partie de leur territoire classé en zone de retour difficile, ne veulent pas que ces nouvelles mesures soient appliquées sur leur territoire. Elles craignent que le gouvernement les poussent à suivre l’exemple d’Iitaté, ne sachant pas quels sont les plans gouvernementaux en dehors des centres réhabilités. Dans un éditorial, le Maïnichi demande à ce que la décision pour Nagadoro ne soit pas généralisée.

Le dernier bilan officiel du ministère de l’environnement sur les travaux de décontamination et la gestion des déchets engendrés est ici en anglais.

Du plutonium a été découvert dans des microparticules rejetées lors de l’accident nucléaire

Une partie des rejets radioactifs lors de l’accident nucléaire à la centrale de Fukushima daï-ichi était sous forme de microparticules vitreuses, très riches en césium. De telles particules ont été retrouvées jusqu’à 230 km de la centrale accidentée. Sous cette forme, les éléments radioactifs peuvent rester plus longtemps dans les poumons en cas d’inhalation.

Une étude scientifique confirme que du plutonium, particulièrement radiotoxique, a aussi été rejeté sous cette forme. L’accès à l’article est malheureusement payant, mais il est disponible à l’ACRO. Il y a aussi un communiqué de presse en japonais.

Il y a différents types de microparticules. Du plutonium avait déjà été identifié dans certaines d’entre elles, trouvées dans l’environnement proche de la centrale accidentée. Le ratio isotopique du plutonium y est similaire à celui du combustible nucléaire. Ainsi, ces microparticules ont pu incorporer des micro-fragments de combustible avant d’être transportés. Cette nouvelle étude porte sur trois microparticules trouvées à environ 4 km de la centrale, qui contiennent du plutonium et de l’uranium et confirment les conclusions précédentes.

Il est alors fort probable que des particules plus petites aient pu transporter du plutonium sur de plus grandes distances.

Le plutonium est connu pour être très radiotoxique. Une étude récente montre son impact sur les travailleurs du complexe militaro-industriel nucléaire de Mayak, en Oural. Il s’agit du premier site qui a fabriqué du plutonium pour les bombes soviétiques. Il n’y avait aucune protection au début et il y a eu de forts rejets, certains accidentels. La situation radiologique ne peut en aucun cas être comparée à celle de Fukushima. Cependant, cette étude, qui se base sur des autopsies, confirme la forte radiotoxicité du plutonium.

Le gouvernement envisage de lever les derniers ordres d’évacuer avant la fin des travaux de décontamination

Les ordres d’évacuer ont été levés partout, sauf dans les zones dites de retour difficile, où l’exposition externe pouvait dépasser 50 mSv/an au début de la crise. Cela concerne encore sept communes. La décontamination y est beaucoup plus complexe et ne suffit pas à abaisser suffisamment les niveaux d’exposition. Alors, selon l’Asahi, le gouvernement japonais veut y lever les ordres d’évacuer avant même d’avoir terminé les travaux de réhabilitation, à la condition que les habitants ne reviennent pas !

Actuellement, il y a trois conditions à satisfaire avant de lever un ordre d’évacuer : l’exposition externe doit être passée sous la valeur de 20 mSv/an (ce seuil est très élevé en comparaison du seuil de 1 mSv/an utilisé ailleurs, où il n’y a pas eu d’accident) ; les infrastructures et les services comme les routes, l’eau, l’électricité doivent avaoir été rétablis et les travaux de décontamination doivent être terminés ; enfin, des discussions doivent avoir eu lieu avec l’équipe municipale. Pour accélérer le processus dans les derniers territoires évacués, le gouvernement envisage de revoir certaines règles dans les zones où l’exposition externe est passée naturellement sous la barre de 20 mSv/an.

L’ordre d’évacuer pourrait y être levé avant même que les travaux de décontamination aient été effectués, à la condition que personne n’y réside et que la commune en fasse la demande ! Les ministères de l’industrie et de l’environnement se seraient déjà mis d’accord et l’Autorité de régulation nucléaire seraient chargée d’y établir les règles de protection.

C’est la commune d’Iitaté qui aurait fait une telle demande en février dernier. L’ordre d’évacuer est maintenu dans le district de Nagadoro, toujours classé en zone dite de retour difficile. La commune aimerait qu’il soit partiellement levé en 2023. Les 11 foyers concernés n’ont aucune intention de retourner vivre chez eux, même si cet ordre est levé.

La commune aimerait créer un parc dans la zone la plus contaminée. Iitaté n’est pas seule commune concernée par ces difficultés. C’est une façon d’entériner le non-retour des populations dans certaines zones, sans le reconnaître puisque l’ordre d’évacuation sera levé là où il n’y a plus personne à évacuer.

L’héritage de Tchernobyl et la voie navigable transeuropéenne E40

Les retombées radioactives de la catastrophe de Tchernobyl ont pollué de vastes territoires en Ukraine, Biélorussie et Russie. 34 ans plus tard, le réacteur accidenté est confiné sous une arche pour un siècle et la zone d’exclusion a été transformée en une vaste « réserve radio-écologique ». La principale stratégie mise en œuvre est d’attendre la lente décroissance de la radioactivité.

Les récents incendies de forêt sont venus rappeler que la radioactivité n’est pas confinée dans les territoires abandonnés. La rivière Pripiat, qui traverse la zone d’exclusion et passe au pied du réacteur accidenté avant de se jeter dans le Dniepr, charrie aussi continuellement des radioéléments. En aval, plus de 8 millions d’Ukrainiens boivent l’eau du Dniepr et jusqu’à 20 millions mangent des aliments irrigués avec l’eau de ce fleuve. Les années avec de fortes inondations dans la zone d’exclusion (une fois tous les 4 ans environ), les niveaux d’exposition des habitants augmentent de façon significative.

C’est dans ce contexte que l’ACRO a évalué l’impact radiologique de la voie navigable transeuropéenne E40, qui vise à relier la Mer Noire à la Mer Baltique via le Dniepr et le Pripiat, à la demande de la société zoologique de Francfort et du collectif « Save Polesia ». Le rapport est disponible en français et en anglais sur notre site Internet : http://acro.eu.org

Carte du projet de voie fluviale E40, extraite de savepolesia.org. © pg-webstudio.de

Aujourd’hui, la contamination est dominée par le césium-137, le strontium-90 et divers isotopes du plutonium hautement toxique. L’américium-241, le noyau fils du plutonium-241, est également très toxique et sa contribution croissante devrait dominer l’impact radiologique à l’avenir.

La voie navigable intérieure E40 projetée, qui devrait passer à proximité de la centrale nucléaire de Tchernobyl et traverser la zone d’exclusion, aura nécessairement un impact radiologique sur les travailleurs de la construction et de la maintenance, ainsi que sur la population en aval qui dépend de l’eau des rivières Pripiat et Dniepr. Bien que ce projet nécessite de grands travaux tels que la construction d’un barrage et l’alignement du cours de la rivière dans sa partie la plus contaminée, aucune étude d’impact radiologique n’est disponible. Les principes de la CIPR en matière de radioprotection et les conventions d’Aarhus et d’Espoo exigent pourtant des études environnementales et radiologiques, une justification du projet et la participation des parties prenantes et du grand public au processus de décision.

L’étude de l’ACRO montre que les travaux de construction pour la partie de la voie navigable E40 qui traverse la zone d’exclusion de Tchernobyl et passe à proximité de la centrale nucléaire ne sont pas réalisables. L’exposition estimée des travailleurs serait trop élevée pour être acceptée. En outre, le bassin de refroidissement de Tchernobyl, fortement contaminé, et les stockages temporaires de déchets radioactifs dans la plaine d’inondation de la rivière Pripiat n’ont pas encore été démantelés, ce qui empêche tout travail de construction. L’AIEA recommande également une liste d’autres mesures de protection qui restent à mettre en œuvre.

La partie de la voie navigable E40 qui se trouve en amont de la zone d’exclusion de Tchernobyl serait alors inutile, car sans connexion avec le Dniepr. Cela signifie également que les travaux d’aménagement qui consistent en la construction de plusieurs barrages et l’alignement des méandres de la rivière Pripiat pour accepter les navires de classe V ne sont pas justifiés.

Enfin, la portion de la voie E40 allant de la mer Noire au réservoir de Kiev nécessite principalement des travaux de dragage réguliers. L’étude de faisabilité mentionne 68 000 m3 de travaux de dragage par an dans le réservoir de Kiev, qui stocke du césium-137 dans ses sédiments de fond. Une telle activité est contraire aux recommandations de l’AIEA de laisser les sédiments en place car elle augmentera la dose des personnes qui dépendent de l’eau du réservoir de Kiev pour leur approvisionnement en eau et en nourriture.

En conclusion, l’ACRO partage l’avis du collectif « Save Polesia » : ce projet de voie navigable aura un impact environnemental et sanitaire inacceptable. Il n’est pas justifié et doit être abandonné. Elle appelle l’Union européenne à cesser tout soutien à ce projet.

Ce travail ne serait pas possible sans votre soutien :
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Radiation impacts of the E40 waterway from Frankfurt Zoological Society on Vimeo.

La parade de la flamme olympique annulée avec le report des JO

La flamme olympique devait partir de J-Village le 26 mars et parader durant 3 jours dans la province de Fukushima. TEPCo avait même préparé une belle présentation de ses travaux de décontamination du parking de J-Village. Des associations avaient alerté sur les niveaux résiduels le long du parcours de la flamme.

Mais la pandémie de COVID-19 a entraîné le report d’un an des JO de Tôkyô et de la parade. Cela ne sera peut-être pas suffisant car le coronavirus sera probablement toujours présent.

La flamme olypique sera exposée pendant un mois à J-Village, qui a servi de base arrière à TEPCo au début de la catastrophe. Puis, elle sera exposée à Tôkyô en mai.

Le ministère de l’environnement japonais a trouvé la solution pour lutter contre les rumeurs néfastes

C’est bien connu, il n’y a pas de problème à Fukushima, la “situation est sous contrôle”, comme l’avait déclaré le premier ministre japonais devant le comité olympique. Il n’y a que des rumeurs néfastes !

Opposition au rejet dans l’océan de l’eau contaminée : rumeurs néfastes. Opposition à la réutilisation des terres contaminées issues de la décontamination : rumeurs néfastes. Faible taux de retour des populations : rumeurs néfastes.

Le ministère de l’environnement japonais a trouvé la solution : mettre une plante en pot avec de la terre radioactive à son siège de Tôkyô (source : lien direct, copie). Comme il l’affirme, “c’est l’un des efforts de démonstration du recyclage pour éliminer les idées fausses à l’égard de Fukushima” (This is one of the recycling demonstration efforts to eliminate misconception toward Fukushima).

Ces pots pourraient être mis en vente. L’industrie nucléaire se fera sûrement une joie de pouvoir les offrir. Cela fera plus écolo que des goodies fabriqués en Chine. On attend avec impatience des aquarium avec de l’eau contaminée des cuves…

Bon, il y a juste 16 millions de mètres cube de terre et 1,2 million de mètres cube d’eau à écouler ainsi…

Rapport de Greenpeace sur la contamination radioactive à Fukushima

Greenpeace International vient de publier, à l’occasion du neuvième anniversaire de la catastrophe nucléaire, un rapport en anglais sur la contamination à Fukushima : Radioactivity on the move 2020: Recontamination and weather-related effects in Fukushima (communiqué, rapport en anglais, photos et vidéos).

L’organisation a fait des relevés de débit de dose ambiant et trouve toujours de nombreux points chauds dans des zones où l’ordre d’évacuer a été levé. Par ailleurs, pour certains points, le niveau a augmenté depuis l’an dernier. Cela pourrait être dû aux typhons qui ont frappé la région à l’automne dernier. Des sacs de déchets radioactifs avaient été emportés.

Elle demande au gouvernement japonais de revoir sa politique de retour dans les territoires contaminés.

Le parcours de la flamme olympique encore contaminé à Fukushima

Le gouvernement japonais a placé les jeux olympiques de 2020 sous le signe de la reconstruction, même s’ils auront lieu à… Tôkyô. Mais la flamme olympique partira de la province de Fukushima le 26 mars prochain.

Le parcours se fera sous la forme d’un relai : chaque personne portera la flamme sur 200 m environ. Une dizaine de personnes par commune traversée devraient donc être impliquées. Le transport se fera par voiture entre chaque commune. La flamme olympique va rester 3 jours à Fukushima. Voir son parcours sur le site du comité olympique, en japonais et en anglais, ainsi qu’une présentation en français.

Un collectif d’associations, auquel participait Chikurin, le laboratoire mis en place à Tôkyô avec le soutien de l’ACRO, a effectué des mesures de débit de dose ambiant et des prélèvements de sol tout le long du parcours de la flamme olympique. Les résultats ont été présentés lors d’une conférence de presse le 3 mars 2020. Voir la présentation faite.

Des mesures et des prélèvements ont été effectués sur 69 sites. Pour 43 site, le débit de dose ambiant à 1 m du sol dépassait 0,23 µSv/h, qui correspond au seuil à partir duquel le gouvernement japonais a engagé des travaux de décontamination. Cela correspond à 1 mSv/an. Voir nos explications sur les doses et les limites. Le site le plus contaminé a été trouvé à Iitaté : 0,85 µSv/h à 1 m du sol et une contamination surfacique de 2 140 000 Bq/m2. C’est plus que la limite normale d’1 mSv/an, mais c’est moins que la limite fixée à 20 mSv/an pour le retour des habitants par le gouvernement japonais.

L’exposition des relayeurs devrait être limitée car ils ne resteront pas longtemps sur place. Mais se pose tout de même la question de savoir ce qui justifie leur exposition. Les spectateurs, quant à eux, devraient très peu nombreux à cause du coronavirus. Le problème est pour les habitants qui sont là à l’année, car le parcours passe dans des zones où l’ordre d’évacuer a été levé.

Un livret en japonais présentant les résultats peut être commandé auprès de Chikurin (500 yens).

Voici plus d’information sur les sites investigués :

 

Fausses nouvelles et vrais mensonges sur Fukushima

Le Blog de Fukushima vient de publier une série en trois épisodes sur les nombreuses infox relatives à l’accident de Fukushima. Il s’agit d’un gros travail, très utile.

A lire :

Consultation publique sur le “recyclage” des terres contaminées

Les travaux de décontamination ont entraîné l’accumulation de 17 millions de mètres cube de terres contaminées pour lesquelles le Japon est en panne de solution (voir notre dernier bilan). Il est prévu de les transporter sur un site d’entreposage de 16 km2 autour de la centrale de Fukushima daï-ichi, où ils devront être repris après 30 années.

Le gouvernement veut pouvoir réutiliser ces terres contaminées dans des travaux de construction (routes, digues…). C’est une drôle de logique qui guide les autorités : d’énormes efforts sont déployés pour, dans un premier temps, rassembler la pollution radioactive. Puis, après 30 années, alors que les terres seront toujours radioactives, il est prévu de les disperser un peu partout dans le pays…

Mais le gouvernement persiste dans cette voie, malgré les nombreuses critiques. Il vient de lancer une consultation publique sur Internet pour modifier la réglementation. Il est possible de soumettre son avis jusqu’au 7 février 2020.

Ce qui est proposé est inacceptable : le texte soumis à consultion n’introduit pas de restriction à la réutilisation des terres contaminées. Il n’impose pas d’informer les populations riveraines des sites de “recyclage” et ne désigne pas qui sera responsable en cas de dispersion de la pollution. Rappelons que le Japon doit souvent faire face à des inondations et glissements de terrain. Bien évidemment, il n’est pas question de contrôles indépendants.

Voir le rapport du ministère de l’environnement (en japonais).