Personnes déplacées à Fukushima

L’ACRO a effectué un suivi de la catastrophe de Fukushima et de ses conséquences pendant 11 ans de façon entièrement bénévole. Ce travail s’est arrêté au printemps 2022. Mais, suite à une demande de conférence sur le sujet, voici les dernières données disponibles concernant les personnes déplacées de la province de Fukushima.

Ce document (copie), daté du 8 mars 2023, regroupe les données concernant les victimes de la triple catastrophe et les personnes déplacées dans la province de Fukushima :

  • Le nombre de victimes directes est de 1 605, auquel il faut ajouter 226 personnes dont le corps n’a pas été retrouvé, mais avec une confirmation claire du décès. Le nombre de décès postérieurs dus à l’évacuation et la détérioration des conditions de vie est de 2 335. A titre de comparaison, selon l’Asahi, le nombre de décès indirects liés à la catastrophe est 470 à Iwaté et 931 à Miyagi.
  • Il y a encore, officiellement, 27 399 personnes déplacées à Fukushima, dont 21 101 en dehors de la province.

Selon une étude menée par l’université de Waseda, rapportée par l’Asahi, environ 37% des personnes déplacées de Fukushima souffrent de troubles du stress post-traumatique. Ce résultat est basé sur un questionnaire renvoyé par 516 personnes. Parmi les sources de stress les plus citées, il y a le problème des indemnisations, le chômage et le statut de personne déplacée. 34,5% des répondants étaient sans emploi au moment de l’étude (Janvier-avril 2022), pour moitié environ à cause de problème de santé.

Selon l’Asahi, sur les 80 000 personnes qui ont été forcées à évacuer de 11 communes en 2011, seulement 16 000 y sont retournées une fois les ordres d’évacuation levés. Dans les zones les plus contaminées, le taux de retour est inférieur à 1%.

La zone dite de retour difficile, où le niveau de contamination entraînait une dose annuelle supérieure à 50 mSv en 2011, couvre une surface de 337 km2. Des bases de reconstruction et revitalisation ont été désignées afin de permettre à certaines communes d’exister encore. Les derniers ordres d’évacuer dans ces bases ont été levés le 1er mai 2023. Cela concerne, en tout, 27 km2 répartis sur 6 communes. Voici la carte de ces 6 bases (SRRBA) extraite de ce document daté d’avril 2023 :Si ces bases ne représentent que 8 % de la zone de retour difficile, elles regroupaient 60 % de ses habitants avant la catastrophe nucléaire. Très peu de retours y sont attendus dans ces zones. Selon l’Asahi, 158 personnes, soit environ de 1,2 % de la population, sont rentrées là où les ordres d’évacuer ont déjà été levés, alors que les travaux de décontamination et de réhabilitation ont coûté 320 milliards de yens (2,1 milliards d’euros).

Le gouvernement ne continuera à décontaminer et réhabiliter les zones les plus contaminées que si les populations reviennent. Les 6 communes concernées espéraient le retour d’environ 8 000 personnes, mais 2 % sont revenues. Dans le district de Nagadoro d’Iitaté, où l’ordre d’évacuer vient d’être levée, seulement 7 habitants sur 197 ont demandé l’autorisation à passer la nuit chez eux pour se préparer au retour. La suite des travaux semble donc être compromise.

135ème versement financier pour TEPCo

TEPCo annonce avoir reçu le 135ème versement financier de la part de la structure gouvernementale de soutien qui lui avance de l’argent pour les indemnisations : 85,8 milliards de yens (572 millions d’euros au cours actuel). Rappelons que cet argent est prêté sans intérêt.

En prenant en compte ce versement et les 188,9 milliards de yens venant de l’Act on Contract for Indemnification of Nuclear Damage Compensation, TEPCo a reçu un total de 11 002,1 milliards de yens (73,34 milliards d’euros au cours actuel) et cela ne suffira pas.

Cancers de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima – bilan 2022

L’ACRO a effectué un suivi de la catastrophe de Fukushima et de ses conséquences pendant 11 ans de façon entièrement bénévole. Ce travail s’est arrêté au printemps 2022. Mais, suite à une demande de conférence sur le sujet, voici les dernières données disponibles concernant les cancers de la thyroïde chez les jeunes de la province de Fukushima.

Les dernières données officielles ont été mises en ligne en mars 2023, suite à la 47ème réunion  du comité de suivi. Une traduction non-officielle en anglais est disponible ici. Pour rappel, nous avions publié, en 2021, à l’occasion du dixième anniversaire de la catastrophe, une revue de littérature scientifique sur le sujet.

Rappelons que tous les jeunes de Fukushima, qui avaient moins de 18 ans lors de la catastrophe nucléaire ou qui étaient encore dans le ventre de leur mère (nés entre le 2 avril 1992 et le 1er avril 2012), peuvent bénéficier d’un dépistage tous les deux ans par échographie. Même si le taux de participation baisse, certains en sont à leur 5ème examen médical. Après 20 ans, le dépistage suivant se fait à l’âge de 25 ans.

Le tableau ci-dessous synthétise les données issues du dépistage officiel qui sont ici en japonais. Elles sont datées du 30 septembre 2022 pour les dépistages les plus récents (5ème campagne et plus de 25 ans). Comme le taux de dépistage diminue au fur et à mesure des campagnes, le nombre de cas réel est forcément plus élevé. De plus, les cas de cancer détectés en dehors du programme de suivi ne sont pas pris en compte, même si l’intervention chirurgicale a eu lieu à l’université de médecine de Fukushima, en charge du suivi… Enfin, le dépistage gouvernemental n’a lieu que dans la province de Fukushima alors que les provinces voisines ont aussi été touchées par les retombées radioactives. Les cas de cancer de la thyroïde qui pourraient y apparaître échappent aussi aux données officielles.

  Dépistages avec résultat Examens complémentaires terminés Cytoponctions Nombre de cancers suspectés Nombre de cancers confirmés
Première campagne 300 472 2 091 547 116 101
Deuxième campagne 270 552 1 834 207 71 56
Troisième campagne 217 922 1 068 79 31 29
Quatrième campagne 183 410 1 016 91 39 34
Cinquième campagne 82 368 615 54 26 16
Plus de 25 ans 10 201 416 36 19 11
Bilan des campagnes de dépistage du cancer de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima au 30 septembre 2022.

On arrive donc à un total de 302 cas de cancer de la thyroïde suspectés suite au dépistage exercé par l’université de médecine de Fukushima. Parmi eux, 248 enfants ont subi une intervention chirurgicale qui a conduit à identifier 1 nodule bénin, 244 carcinomes papillaires, 1 carcinome peu différencié, 1 carcinome folliculaire et 1 autre cancer de la thyroïde.

Les cas détectés lors de la première campagne pouvaient exister avant la catastrophe nucléaire. Les cas découverts lors des campagnes suivantes n’existaient pas deux ans auparavant, lors du dépistage précédent. Or, le nombre de cas nouveaux, qui n’ont été détectés qu’à partir de la seconde campagne de dépistage (186), est plus élevé que le nombre de cas détectés lors de la première campagne (116). Ces nouveaux cancers se sont aussi développé rapidement, même s’il n’y avait pas encore de signes cliniques. Plusieurs récidives ont aussi été observées, entraînant parfois une deuxième intervention chirurgicale.

Le bilan synthétique indique aussi que 18 de ces enfants avaient moins de 5 ans au moment de l’accident. Les très jeunes enfants ont été particulièrement touchés par les retombées radioactives de Tchernobyl. Lors des premières années de la catastrophe de Fukushima, l’absence de cas de cancer chez les très jeunes enfants était utilisé comme argument pour prétendre que la radioactivité n’était donc probablement pas à l’origine de l’élévation significative du nombre de cancers de la thyroïde chez les jeunes. Ce point est passé sous silence maintenant que des cas ont aussi été découverts à Fukushima.

Tout le monde s’accorde pour constater qu’il y a beaucoup plus de cas de cancer de la thyroïde qu’attendu, car il est très rare chez les jeunes. En revanche, il n’y a pas consensus sur la cause de la sur-incidence. Le discours officiel met en avant le dépistage qui a permis de découvrir très tôt des cancers qui se seraient développés lentement autrement et joue sur le fait que l’on ne peut pas démontrer que la radioactivité en est à l’origine. Le discours officiel ne dit jamais que l’on ne peut cependant pas exclure non plus que certains de ces cancers soient radio-induits. Selon Libération, Shin’ichi Suzuki, le chirurgien qui a opéré la plupart des tumeurs cancéreuses découvertes par ce programme, optait initialement pour l’hypothèse du surdiagnostic. Il s’est depuis ravisé, au vu du nombre de cas mais aussi en observant ces dernières années des évolutions nettes des maladies, avec métastases et récidives. Sans en déduire catégoriquement que les radiations dues à la catastrophe nucléaire sont en cause, il écarte désormais clairement le surdiagnostic et exige que le suivi se poursuive encore des années.

A propos des décès provoqués par l’évacuation

Le Maïnichi a enquêté sur les décès provoqués par l’évacuation à Fukushima. La reconnaissance du décès post-catastrophe a lieu suite au dépôt d’un dossier par les familles endeuillées qui est examiné par une commission incluant des médecins. Selon l’Agence de reconstruction, 3 784 décès sont liés à la triple catastrophe de 2011 à la fin du mois de septembre 2021. Parmi eux, les 2 333 décès dans la province de Fukushima représentent plus de 60 % du total. En outre, les statistiques de l’Agence de reconstruction montrent que plus de 90 % des décès associés aux suites du tremblement de terre et du tsunami dans les zones gravement touchées des provinces d’Iwaté et de Miyagi concernent des personnes décédées dans l’année qui a suivi la catastrophe. En revanche, 40 % des décès certifiés dans la province de Fukushima sont survenus plus d’un an après le début de la catastrophe nucléaire, notamment à la suite d’une évacuation prolongée, et des demandes de certification de décès ont été continuellement déposées jusqu’à ce jour.

Le Mainichi Shimbun a fait une demande d’accès aux dossiers soumis par les familles endeuillées et a pu consulter les documents et données concernant 2 200 individus dans une vingtaine de communes. Le quotidien a examiné les informations relatives à un millier de personnes dont on connaissait les antécédents ayant conduit à leur décès. Ces rapports montrent la détresse suite au changement d’environnement dû à l’évacuation qui a affecté la santé de ces personnes. On peut lire, notamment, que “les hivers dans les logements temporaires étaient froids, leurs jambes et leurs reins s’affaiblissaient car ils n’avaient rien à faire”, ou, dans un autre dossier que “l’incertitude planait sur leur vie durant une évacuation prolongée et ils en venaient à boire de l’alcool pendant la journée.” 

Le journal cite aussi le cas d’un homme âgé de la ville de Namié qui est décédé environ un an après l’accident nucléaire. Selon le rapport le concernant, il était rentré chez lui temporairement à l’automne 2011, mais il était en état de choc mental lorsqu’il a vu sa maison en ruines et en enterrant les cadavres d’animaux de compagnie qu’il aimait sur le terrain de sa maison. Le rapport indique ensuite que c’est à cette époque qu’il a cessé de sortir.

Il cite aussi le cas d’un homme âgé de 83 ans, dont la condition physique s’est dégradée suite à l’évacuation et qui est mort d’une pneumonie. Sa femme a vu son état de santé s’affaiblir durant le déplacement prolongé, et elle est décédée à l’âge de 88 ans en 2021.

Si les personnes âgées de 80 ans ou plus représentent la majorité des décès certifiés, des personnes actives ont été affectées. Le Maïnichi présente le cas d’un vendeur de voitures de Futaba qui a vu sa vie changer brusquement. Il lui fallait des heures de route pour rendre visite à des proches dans des abris ou aller voir des clients dispersés dans tout le Japon. En plus, il a reçu l’ordre de quitter sa maison construite grâce à des prêts en raison de la construction d’une route, alors qu’il venait juste de commencer à la réparer. L’homme, qui aurait commencé à fumer davantage en raison du stress, est décédé d’un infarctus aigu du myocarde en septembre 2014. Il était âgé de 55 ans. 

Une évacuation prolongée s’accompagne de déménagements répétés, d’une séparation d’avec la famille, de changements de travail et de la perte des liens sociaux. Les dommages s’accumulent chaque fois que l’environnement de la victime change, et les personnes en situation de vulnérabilité sont éliminées, selon Masaharu Tsubokura, professeur à l’université de médecine de Fukushima.

La plus haute juridiction japonaise estime que l’État n’est pas responsable de la catastrophe de Fukushima

La Cour suprême du Japon a estimé que l’Etat n’était pas responsable de l’accident survenu en 2011 à la centrale nucléaire de Fukushima daï-ichi. L’arrêt porte sur quatre actions en dommages et intérêts intentées par des personnes déplacées. Les défendeurs étaient l’État et TEPCo, l’exploitant de la centrale. Cet arrêt est le premier rendu par la plus haute juridiction sur la responsabilité du gouvernement dans l’accident nucléaire et pourrait faire jurisprudence lors de procès similaires intentés dans tout le pays. Quant à la responsabilité de TEPCO, la Cour suprême avait déjà rendu des arrêts condamnant l’exploitant à verser des indemnités aux plaignants.

Le litige portait sur la question de savoir si l’État aurait pu prévoir le risque d’un tsunami massif sur la base d’une évaluation à long terme des activités sismiques possibles publiée par une organisation gouvernementale neuf ans avant l’accident, et si l’accident aurait pu être évité si le gouvernement avait ordonné à TEPCo de prendre des mesures de prévention. L’évaluation prévoyait une probabilité de 20 % qu’un tremblement de terre de magnitude 8 déclenchant un tsunami se produise le long de la fosse du Japon dans l’océan Pacifique au cours des 30 prochaines années, y compris dans la zone située au large de Fukushima. Puis, sur la base de cette évaluation, une filiale de la compagnie d’électricité avait estimé en 2008 qu’un tsunami d’une hauteur maximale de 15,7 mètres pourrait frapper la centrale nucléaire. Les plaignants ont fait valoir que la catastrophe aurait pu être évitée si le gouvernement avait exercé ses pouvoirs réglementaires pour ordonner à TEPCo de prendre des mesures préventives.

Le juge en chef, Monsieur Hiroyuki Kanno, a déclaré que le tremblement de terre qui s’est produit le 11 mars 2011 était beaucoup plus puissant que ce à quoi le gouvernement aurait pu s’attendre et que le tsunami qui s’en est suivi était également plus important que prévu. Il a ajouté que l’inondation de la centrale nucléaire n’aurait pas pu être évitée, même si le gouvernement avait ordonné à TEPCO de prendre les mesures nécessaires. A noter que l’un des quatre juges qui ont délibéré s’est opposé à la décision. Selon lui, “si le gouvernement et TEPCO avaient examiné sérieusement la question, il est probable que l’accident aurait pu être évité”.

Au total, 32 actions en justice impliquant environ 12 000 plaignants ont été intentées par des personnes déplacées pour obtenir une indemnisation de la part de TEPCo et du gouvernement. Dans 12 cas, les tribunaux ont reconnu que le gouvernement et la compagnie d’électricité avaient fait preuve de négligence. Dans les 11 autres cas, les tribunaux n’ont condamné que l’entreprise à verser des dommages et intérêts. La présente décision concerne les actions intentées devant les tribunaux de district des provinces de Fukushima, Gunma, Chiba et Ehimé et met un point final aux décisions rendues en mars par les tribunaux de grande instance, qui ont ordonné à TEPCo de verser des indemnités supplémentaires d’un montant total d’environ 1,45 milliard de yens à quelque 3 700 plaignants. Les décisions des hautes cours étaient partagées quant à la responsabilité du gouvernement. Les décisions rendues dans les procès de Fukushima, Chiba et Ehimé avaient conclu à la responsabilité du gouvernement, mais l’État n’était pas tenu de verser des indemnités dans le procès de Gunma.

Fin du transfert des terres radioactives de Fukushima vers le centre d’entreposage centralisé

Les travaux de décontamination ont entraîné l’accumulation de tonnes de terres radioactives pour lesquelles un entreposage centralisé est en cours de remplissage autour de la centrale de Fukushima daï-ichi. La loi impose que tous ces déchets, répartis un peu partout où il y a eu des chantiers de décontamination, soient transférés sur le site d’entreposage centralisé situé dans sur les communes d’Ôkuma et Futaba avant le 31 mars 2022, qui correspond à la fin de l’année fiscale 2021. La page dédiée en anglais du ministère de l’environnement, qui permet de connaître l’avancement, n’a pas été mise à jour depuis juillet 2020…

Selon l’Asahi, le transport est bloqué pour les terres de quelques 830 sites de la province de Fukushima. Cela représente un total de 8 460 m3 alors sur un total de l’ordre de 14 millions de mètres cubes de déchets accumulés à Fukushima. Pour la moitié des cas recensés lors d’une enquête effectuée en septembre 2021 auprès des communes, une habitation a été construite sur le terrain où les déchets étaient enfouis. Environ 30 % des cas résultent du refus des propriétaires fonciers de prendre en charge les frais de transport, tandis qu’environ 10 % sont dus à l’incapacité des autorités à contacter les propriétaires fonciers. Au fil du temps, la propriété des parcelles de terrain a changé en raison de transactions de vente et de questions d’héritage. Certains propriétaires n’avaient aucune idée que leurs parcelles contenaient des matériaux radioactifs. Mais les communes se veulent rassurantes : sur tous ces sites, le débit de dose ambiant est inférieur à 0,23 µSv/h, seuil à partir duquel il faut effectuer des travaux de décontamination.

Le gouvernement et les autorités régionales de Fukushima sont en négociation depuis 18 mois sur le sort à réserver aux sols contaminés qui ne pourront pas être déplacés dans les temps impartis. Le ministère de l’Environnement a demandé aux communes de continuer à les gérer, conformément à une directive de décembre 2020 qui les rend responsables des déchets issus des travaux de décontamination qu’elles ont menés. Les communes, quant à elles, demandent au gouvernement de prendre en charge ces déchets car leurs moyens sont limités.

L’entreposage centralisé n’est prévu que pour trente ans. Après 2045, tous ces déchets doivent être repris pour être stockés en dehors de la province de Fukushima. Faute de pouvoir trouver un site, le gouvernement veut les “recycler”, à savoir les utiliser pour la construction de digues, routes… Mais, en dix ans, la mémoire de certains déchets a été perdue. Qui se souviendra d’eux dans ils auront été dispersés dans tout le pays ?

L’ACRO avait rédigé un cahier d’acteur sur le sujet, dans le cadre du débat national sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) qui a eu lieu en 2019.

Doses prises par les travailleurs à la centrale de Fukushima daï-ichi

A l’approche du 11ème anniversaire de la catastrophe nucléaire, voici un bilan sur le nombre de travailleurs exposés aux rayonnements ionisants à la centrale de Fukushima daï-ichi et des doses qu’ils ont prises. TEPCo publie tous les mois un tableau avec des données statistiques et notre dernier bilan remonte à octobre 2021. Rappelons que la compagnie remet les compteurs à zéro tous les cinq ans. Ainsi, suite au dixième anniversaire, elle vient de repartir pour une nouvelle période de cinq années. Une telle pratique est surprenante.

Les dernières données publiées sont à la date du 31 janvier 2022 et montrent qu’environ 6 800 travailleurs sont exposés chaque mois. La dose moyenne mensuelle reçue varie de 0,32 à 0,37 mSv, sachant que la limite annuelle est de 20 mSv en moyenne sur 5 ans. Ce sont les sous-traitants qui prennent les doses les plus fortes avec un maximum de 10,28 mSv sur le seul mois de janvier.

D’avril 2021 à janvier 2022, 9 628 ont été exposés, avec, comme toujours, une majorité de sous-traitants qui prennent les plus fortes doses : la dose moyenne des employés de TEPCo sur cette période est de 0,69 mSv et celle des sous-traitants de 2,31 mSv, avec un maximum à 17,08 mSv. Le tableau donne aussi les doses à la peau et à la cornée.

Pour mémoire, comme nous le rappelions dans notre dernier bilan chiffré annuel, pour la première période allant du 11 mars 2011 au 31 mars 2016, 46 956 travailleurs ont été exposés aux rayonnements ionisants sur le site de la centrale accidentée de Fukushima daï-ichi, dont 42 244 sous-traitants. Et les données publiées en avril 2021 permettent de connaître le nombre de travailleurs qui ont été exposés entre le 1er avril 2016 et le 31 mars 2021 : 25 024 dont 90% de sous-traitants (22 568). Sur ces cinq années, la dose externe moyenne reçue par les sous-traitants est de 6,96 mSv, alors qu’elle est de 3,28 mSv pour les employés de TEPCo. Les sous-traitants ont donc pris 95% de la dose externe collective correspondante, qui est de 165 hommes.sieverts.

121ème versement financier pour TEPCo

TEPCo annonce avoir reçu le 121ème versement financier de la part de la structure gouvernementale de soutien qui lui avance de l’argent pour les indemnisations : 19,7 milliards de yens (151,5 millions d’euros au cours actuel). Rappelons que cet argent est prêté sans intérêt.

En prenant en compte ce versement et les 188,9 milliards de yens venant de l’Act on Contract for Indemnification of Nuclear Damage Compensation, TEPCo a reçu un total de 10 226,2 milliards de yens (79 milliards d’euros au cours actuel) et cela ne suffira pas.

Taïwan assouplit l’interdiction d’importation de produits alimentaires japonais

Taiwan a assoupli l’interdiction d’importation de produits alimentaires japonais des provinces de Fukushima, Ibaraki, Gunma, Tochigi et Chiba. Mais certains produits, comme les champignons et le gibier demeurent interdits. Cela devrait faciliter son accès à l’accord de libre échange transpacifique.

Visite d’une délégation de l’AIEA à propos du rejet en mer de l’eau traitée accumulée

La nouvelle visite d’une délégation de l’AIEA, du 14 au 18 février, a été fortement médiatisée car elle fait partie de la stratégie des autorités pour faire accepter le rejet dans l’océan de l’eau traitée qui est accumulée dans des cuves à la centrale de Fukushima daï-ichi. Elle est composée de 15 membres, dont des représentants de la Corée et de la Chine.

TEPCo a mis en ligne des photos et une vidéo de la visite sans aucun intérêt, avec quelques explications. En amont, elle a aussi mis en ligne une brochure en plusieurs langues qui explique son étude d’impact des rejets prévus. Le gouvernement, quant à lui, a annoncé, selon l’Asahi, vouloir accroître sa surveillance de l’environnement en faisant passer le nombre de points de prélèvement d’une douzaine à une cinquantaine. Ils seront situés, pour la plupart, à moins de 10 km de l’émissaire. La fréquence, trimestrielle, devrait être augmentée, une fois les rejets commencés. Mais le gouvernement ne parle que de contrôle du tritium alors qu’il y a tous les autres radioéléments, qui ont été mal filtrés ou le carbone-14, qui n’est pas filtré. Il n’évoque pas non plus de contrôles indépendants. Tant que les autorités rabaisseront le sujet à un problème d’image, elles ne répondrons jamais aux préoccupations des personnes concernées.

Les autorités ne répondent pas non plus au fait que, malgré les rejets, l’eau devrait continuer à s’accumuler, comme nous l’avons déjà expliqué, à un rythme moins soutenu et qu’il faudra donc trouver de la place supplémentaire.

Lydie Evrard a expliqué, lors d’une conférence de presse, que l’AIEA ne prendrait pas position, car la décision est du ressort et de la responsabilité de chaque pays. C’est à l’Autorité de régulation japonaise d’accepter ou non ces rejets. L’AIEA est d’aider les pays à appliquer les recommandations internationales en termes de sûreté et radioprotection. Elle est à l’écoute des inquiétudes. Mais, à la question de savoir si la délégation avait rencontré des opposants au rejet en mer, Gustavo Caruso a répondu que c’était le gouvernement japonais qui choisissait leurs interlocuteurs…Pourtant, le but de la visite de 5 jours était, selon les éléments de communication, de mener une inspection “objective, crédible et scientifique [qui] contribuera à envoyer un message de transparence et de confiance à la population du Japon et d’ailleurs”…

Leur rapport sera publié en avril.

Rappelons que le rejet doit se faire à un kilomètre de la berge via un tunnel, mais les travaux ont déjà du retard, comme le souligne l’Asahi, et il est peu probable que l’installation soit prête pour avril 2023.