Le gel du sol autour des réacteurs pas aussi efficace que prévu

Ce devait être l’ultime solution pour lutter contre les infiltrations d’eau souterraine dans les sous-sols des réacteurs accidentés, où elle se mélange à l’eau de refroidissement très contaminée. D’un coût total de 34,5 milliards de yens (283 millions d’euros) payés par les contribuables japonais, ce projet gouvernemental d’une dimension inégalée devait confirmer les affirmations du premier ministre en 2013 devant le comité olympique que la “situation est sous contrôle“.

Débuté en juin 2016, le gel du sol tout autour des quatre réacteurs accidentés devait limiter les infiltrations d’eau souterraine et les fuites d’eau contaminée. Comme les zones avec les plus forts courants phréatiques ne gelaient pas, TEPCo a dû bétonner certaines zones. Mais les résultats se sont fait attendre et TEPCo demandait toujours plus de temps pour que le projet fasse ses preuves. Selon l’Asahi, l’Autorité de Régulation Nucléaire, la NRA, doute sérieusement de l’efficacité de cette technique qu’elle considère désormais comme secondaire. Les actions médiatiques ne suffisent pas.

En effet, selon la NRA, malgré les faibles précipitations, la quantité d’eau pompée dans les sous-sols des réacteurs et dans les nappes phréatiques contaminées autour du mur ne baisse pas assez. Elle considère donc que la solution passe par le pompage, pas le mur. En réponse, TEPCo s’est engagée à doubler ses capacités de pompage pour atteindre 800 m3 par jour dans les nappes phréatiques à l’automne prochain.

La NRA a aussi autorisé le gel complet du sol en amont des réacteurs, même s’il n’a pas bloqué les écoulements en aval. Selon les cartes de température du sol publiées par TEPCo début décembre ou plus récemment, certaines portions n’étaient toujours pas gelées en amont. Selon ce dernier document, TEPCo injecte toujours des produits chimiques dans le sol là où il ne gel pas. Elle donne aussi le planning des travaux à venir. Il faudra attendre février 2017 pour obtenir le gel complet en amont.

Le gel du sol sur une telle distance pendant des années est une technologie très complexe à mettre en œuvre. TEPCo signale une fuite du liquide réfrigérant découverte le 19 décembre dernier sans que la cause soit connue.

Comme le rappelle la compagnie, le but premier de ces opérations est de réduire les infiltrations d’eau souterraine afin de ralentir l’augmentation du stock d’eau contaminée dans des cuves sur le site. Selon l’Asahi, avant le gel du sol, TEPCo pompait en moyenne 300 m3 par jour d’eau contaminée dans les sous-sols des réacteurs en plus de l’eau injectée pour le refroidissement. C’est passé à 130 m3 par jour, ce qui est toujours plus que les 70 m3 par jour visés. Les dernières données publiées par TEPCo font apparaître une remontée à 176 m3 par jour à la fin décembre auxquels il faut ajouter l’eau souterraine trop contaminée ou salée pour être traitée directement et qui est donc mélangée à l’eau des sous-sols. Cette dernière est en baisse à 58 m3 par jour. Le total atteint les 234 m3/jour. L’impact du gel du sol n’est pas flagrant sur ce graphe.

A noter que TEPCo injecte quotidiennement une centaine de mètres cubes d’eau dans chacun des trois réacteurs accidentés pour refroidir le combustible. Et cette eau, très contaminée, fuit vers les sous-sols. Le dernier bilan de TEPCo fait état d’un stock d’eau contaminée partiellement traitée qui atteint presque le million de mètres cubes auquel il faut ajouter 60 000 m3 dans les réacteurs et 9 156 m3 de déchets liquides.

Par ailleurs, TEPCo a mis en place des capteurs à la sortie du port devant la centrale accidentée pour mesurer en continue la concentration en césium et en bêta total dans l’eau de mer. Les données sont ici en anglais.

59ième versement financier pour TEPCo

TEPCo annonce avoir reçu le 59ième versement financier de la part de la structure gouvernementale de soutien qui lui avance de l’argent pour les indemnisations : 399,7 milliards de yens (3,3 milliards d’euros). Cet argent est prêté sans intérêt.

Ce versement est particulièrement élevé alors que le gouvernement vient de revoir à la hausse le coût de la catastrophe.

TEPCo a déjà reçu un total de 6 607 milliards de yens (54 milliards d’euros au cours actuel) et cela ne suffira pas.

Cancers de la thyroïde chez les enfants de Fukushima : 10 cas supplémentaires

L’université médicale de Fukushima a publié les derniers résultats de sa campagne de dépistage des cancers de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima. Ils peuvent être téléchargés ici en japonais. La traduction officielle en anglais sera disponible ici. Le site Fukushima Voices devrait aussi présenter bientôt les principaux résultats en anglais.

Au 30 septembre 2016, il y a un total de 145 cas confirmés dont 44 détectés lors de la deuxième campagne de dépistage. Cela fait 10 de plus que lors de la précédente publication qui s’arrêtait au 30 juin 2016.

Il y a déjà eu 2 campagnes de dépistage par échographie, qui ont débuté respectivement en octobre 2011 et mai 2014. Une troisième campagne est en cours depuis mai 2016.

Lors de la deuxième campagne de dépistage, 270 454 jeunes ont été examinés, ce qui représente 70,9% des 381 282 personnes concernées car nées entre le 2 avril 1992 et le 1er avril 2012. Parmi eux 270 431 ont reçu les résultats. C’est à peine 76 examens de plus que la dernière fois. A titre de comparaison, 81% des jeunes avaient été examinés lors de la première campagne.

A l’issue de cette deuxième campagne de dépistage, 2 222 jeunes étaient éligibles à des examens supplémentaires. C’est 5 de plus que la dernière fois. 1 685 ou 76% ont déjà subi ce deuxième examen, dont 189 une ponction à l’aiguille fine dans la glande. Cela a révélé 68 cas de cancer potentiel de la thyroïde (31 garçons et 37 filles) âgés de 9 à 23 ans. C’est 9 de plus que la dernière fois.

Lors du premier dépistages, ces 68 cas potentiels avaient été classés

  • A1 (pas de kyste ou nodule) pour 31 d’entre eux,
  • A2 (nodule inférieur à 5 mm ou kyste inférieur à 20 mm) pour 31 d’entre eux,
  • B (nodule supérieur à 5 mm ou kyste supérieur à 20 mm) pour 5 d’entre eux.

Il s’agit donc de cas nouveaux dans leur grande majorité qu’il est difficile d’expliquer par le seul dépistage systématique. Pour 44 jeunes, le cancer a été confirmé après chirurgie. C’est 10 de plus que la dernière fois. Il y a 43 cancers papillaires et un d’un autre type.

En ce qui concerne la troisième campagne de dépistage, seulement 49 387 jeunes sur 336 609 ont été examinés par échographie et 30 253 ont reçu les résultats au 30 septembre 2016. Parmi eux 211 sont classés B et doivent subir des examens complémentaires dont les résultats ne sont pas connus. Il n’y a donc pas de nouveau cas de cancer détecté lors de cette campagne.

SI l’on inclut les résultats de la première campagne de dépistage, à savoir 115 cas potentiels, dont 101 confirmés, on arrive donc à un total de 183 cas potentiel dont 145 confirmés. A cela, s’ajoute toujours un cas qui s’est révélé être bénin après l’intervention.

Selon le Maïnichi, un membre du comité de pilotage de cette étude a demandé la mise en place d’un groupe indépendant pour analyser ces résultats.

Enquête gouvernementale sur l’accident nucléaire : certains témoignages resteront secrets

La commission d’enquête mise en place par le gouvernement après la catastrophe nucléaire à la centrale de Fukusima daï-ichi avait enregistré quelques 770 témoignages. 240 ont été rendus publics depuis, avec l’accord des personnes interrogées, dont celui de l’ancien directeur de la centrale, Masao Yoshida, maintenant décédé.

Des actionnaires de TEPCo avaient saisi la justice pour obtenir la publication des témoignages de 11 cadres de TEPCo et de 3 cadres de la NISA, qui était l’autorité de sûreté à l’époque. Ils viennent d’être déboutés. La justice a estimé que si ces documents étaient divulgués, il sera difficile d’obtenir la coopération des personnes concernées dans l’avenir. Il en est de même pour les portions secrètes de témoignages partiellement publiés.

Certains de ces témoignages avaient été repris par la presse.

Shikoku Electric veut démanteler le réacteur n°1 de sa centrale d’Ikata

La compagnie Shikoku Electric a soumis aux autorités régionales d’Ehimé et à l’Autorité de Régulation Nucléaire son plan de démantèlement du réacteur n°1 de sa centrale d’Ikata. Ce réacteur, mis en service en 1977, est arrêté définitivement depuis mai 2016. Le réacteur n°3 de cette même centrale est l’un des deux seuls réacteurs en activité au Japon.

Le démantèlement devrait durer 40 ans et coûter 40 milliards de yens (328 millions d’euros).

Taïwan : réunion publique agitée sur l’importation d’aliments japonais

Comme de nombreux pays, Taïwan avait restreint l’importation d’aliments en provenance du Japon après la catastrophe de Fukushima. Le gouvernement, dirigé par le Democratic Progressive Party, veut alléger ces restrictions, mais le parti nationaliste, dans l’opposition, le Kuomintang, est contre. Le parti au pouvoir est contre l’énergie nucléaire, pas le Kuomintang.

Le gouvernement veut maintenir l’interdiction d’importer des aliments de Fukushima, mais veut autoriser l’importation de certains aliments des provinces d’Ibaraki, Gunma, Tochigi et Chiba. Des contrôles aléatoires seront effectués avant de lever d’autres interdictions. Avant de prendre une décision définitive, le gouvernement a promis d’organiser 10 réunions publiques sur 3 jours. Suite aux protestations de l’opposition, d’autres réunions sont prévues en janvier 2017.

Le Kuomintang a manifesté bruyamment lors de la première réunion de Taipei qui a dû être annulée. Il a ensuite organisé une manifestation dans les rues de la capitale. Les arguments et slogans rapportés par la presse (Japan Times et Taipei Times) sont surtout nationalistes.

Information repérée par Fukuleaks.

Le déblaiement du réacteur n°3 prend du retard

Le déblaiement des débris du réacteur n°3 prend du retard, ce qui retarde la construction du nouveau bâtiments pour retirer les combustibles usés de la piscine.

Le retrait des combustibles aurait dû commencer en janvier 2018. Au tout début, TEPCo devait commencer en 2015. On ne connait pas encore le nouveau planning. En revanche, TEPCo a communiqué sur l’arrivée des premiers éléments du nouveau bâtiment, avec photos et vidéo.

Les débits de dose sur le site sont ici. Il y a jusqu’à 2,6 mSv/h à proximité du réacteur n°3.

Les solutions gouvernementales pour faire face au coût de la catastrophe nucléaire

Le gouvernement a récemment reconnu que les coûts de la catastrophe nucléaire de Fukushima avaient doublé. TEPCo rechigne à payer toute la décontamination alors que les coûts explosent. Ils atteignent déjà 4 000 milliards de yens, sans prendre en compte les zones les plus contaminées, dites de « retour difficile ».

Alors que dans l’ex-URSS, de vastes territoires ont été sacrifiés après la catastrophe de Tchernobyl, le gouvernement japonais s’y refuse et veut reconquérir tous les territoires, même les zones qualifiées de « retour difficile ». Dans les communes les plus contaminées, la reconquête commencera par un centre décontaminé, une sorte d’oasis, afin de pouvoir prétendre que la commune existe encore. Mais cela a un coût encore plus élevé que pour les autres territoires. Et puis, il n’y a pas de solution à long terme pour les déchets radioactifs. Le centre d’entreposage n’est prévu que pour 30 ans, officiellement. Mais, la reconquête des 7 communes concernées est difficile, voire impossible, même en maintenant la limite de dose la plus élevée des recommandations internationales (20 mSv/an).

Le gouvernement est prêt à prendre la décontamination des zones les plus contaminées à sa charge alors que la loi indique que c’est TEPCo qui doit payer. Un nouveau projet de loi sera soumis l’an prochain au parlement, mais, dès 2017, le gouvernement prévoit déjà un budget de 30 milliards de yens. L’argument avancé est que TEPCo a indemnisé les populations des zones de « retour difficile » en considérant que les populations ne rentreront pas. Et donc, le gouvernement estime que c’est aux contribuables de prendre en charge la réhabilitation de ces zones.

Pour ce qui concerne les indemnisations, qui devraient s’élever à un total de 7 900 milliards de yens, le gouvernement avance l’argent sans intérêt. Heureusement que les taux sont bas ! Comme TEPCo n’est pas en mesure de rembourser avant longtemps, une partie de la somme sera ajoutée sous forme de taxe sur les réseaux électriques et donc pris en charge par les consommateurs. Cette contribution devrait débuter en 2020 et durer 40 ans pour s’élever à 2 400 milliards de yens (20 milliards d’euros).

Le gouvernement demande à TEPCo d’augmenter ses profits en partageant avec d’autres opérateurs son réseau électrique et son parc nucléaire. La compagnie doit proposer un nouveau plan en 2017, mais il n’est pas sûr que les concurrents veulent partager les coûts de l’accident.

Une autre piste pour faire baisser les coûts et d’ouvrir à l’international le chantier de sécurisation puis de démantèlement des réacteurs accidentés. Pour le moment, c’est la chasse gardée des compagnies japonaises qui souhaitent se placer sur le marché de démantèlement, alors qu’aucun réacteur japonais n’a été entièrement démantelé. De plus, par le passé, c’est un sous-traitant américain qui avait dénoncé les falsifications des rapports de sûreté de TEPCo. Mais cet aspect n’est jamais suggéré par les autorités japonaises, comme le regrette une dépêche de l’agence Bloomberg. Le village nucléaire japonais reste très fermé.

Le gouvernement arrête enfin le surgénérateur Monju

Suite à la décision de l’Autorité de Régulation Nucléaire (NRA) de ne plus autoriser la Japan Atomic Energy Agency (JAEA) à exploiter le surgénérateur Monju qui cumule les problèmes depuis sa mise en service, le gouvernement japonais aura mis le temps, mais il vient de décider d’arrêter définitivement ce réacteur particulièrement dangereux.

Le surgénérateur Monju est un échec patent : il n’a fonctionné que 250 jours depuis sa mise en service en 1994. Une fuite de sodium avait entraîné son arrêt en 1995. La culture de sûreté y est défaillante et l’Autorité de régulation nucléaire a demandé au gouvernement de trouver un autre exploitant. Il n’y a eu aucun candidat et les coûts explosent. Mais le gouvernement ne voulait pas perdre la face.

L’arrêt définitif ne signifie malheureusement pas la fin des problèmes car la culture de sûreté est toujours défaillante chez JAEA. Le chantier de démantèlement d’une autre de ses usines est mal parti.

Le gouverneur de Fukui a donc demandé des garanties concernant ce chantier qui a durer des décennies. En attendant, il a refusé de donner son accord au démantèlement. Le gouvernement pense que cela prendra une trentaine d’années et coûtera 375 milliards de yens (3 milliards d’euros).

Comme la gestion des combustibles usés, qualifiés de “matières valorisables” alors qu’elles ne sont pas valorisées, dépend de cette technologie, le gouvernement a aussitôt lancé le projet d’un nouveau surgénérateur, sans feuille de route bien précise. Mais, il tient à sauver sa filière plutonium, avec l’usine de retraitement de Rokkashô qui n’a jamais démarré, car, sans cela, il n’a plus de site pour entreposer les combustibles usés. Alors, un nouveau surgénérateur est présenté comme un atout (trump card en anglais, ce qui veut tout dire…) et la nouvelle feuille de route est annoncée pour 2018.

Alors, comme en France avec le projet ASTRID, c’est donc la fuite en avant et si, par miracle, ce projet devait aboutir un jour, il aura fallu un siècle de R&D… une filière d’avenir qui le restera ! Les compagnies d’électricité japonaises ont fait savoir qu’elles ne voulaient pas payer. Elles déjà assez de soucis avec leurs propres réacteurs. Pour elles, la filière surgénérateurs relève de la responsabilité du gouvernement.

Le Maïnichi critique le processus de prise de décision de continuer dans cette voie sans que l’on connaisse les arguments et les coûts réels à la charge des contribuables.

L’ACRO condamne fermement la perquisition au domicile d’un salarié de Greenpeace

L’ACRO condamne fermement la perquisition qui a eu lieu le mardi 13 décembre au domicile de Yannick Rousselet, salarié de Greenpeace. Yannick a tout notre soutien.

Greenpeace œuvre pour plus de transparence dans le nucléaire et pour renforcer la sûreté. Comme l’ACRO, Yannick Rousselet est membre du Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN) et de plusieurs Commission Locales d’Information (CLI).

La perquisition de la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI) est une violation intolérable de la vie privée. Yannick et les siens ont perdu toutes leurs données personnelles. Il s’agit d’une mesure d’intimidation inacceptable qui vise à museler les lanceurs d’alerte.

Si l’industrie nucléaire est en crise et fait face à d’énormes difficultés, elle en est la seule responsable. Ce ne sont pas les organisations de protection de l’environnement qui lui font courir des risques.

voir la version PDF