Météo nucléaire japonaise #2

• Selon l’Asahi, le groupe d’experts mis en place par l’autorité de régulation nucléaire devrait confirmer que la faille qui passe directement sous le réacteur n°1 de la centrale de Shika, située dans la province d’Ishikawa, pourrait être active, malgré les dénégations de l’exploitant et ses arguments complémentaires. En cas de confirmation, cela condamnerait la centrale. L’exploitant, Hokuriku Electric Power Co., est furieux et considère que cet avis n’est pas “rationnel”. Il a déjà déposé une demande d’autorisation de redémarrage pour le réacteur n°2.

Selon le quotidien, il y avait déjà des doutes sur cette faille avant la construction de la centrale, mais les investigations supplémentaires n’avaient pas été menées. Cette fois-ci, le groupe d’experts a mené deux inspections sur le terrain et étudié la géologie des environs. Leur avis a été confirmé par des tiers. Mais la compagnie ne veut pas abandonner un réacteur mis en service en 1993.

• Un groupe d’experts du ministère de l’industrie a suggéré de nationaliser Japan Nuclear Fuel, la compagnie en charge du retraitement. En effet, l’usine, construite à Rokkashô-mura n’a jamais démarré et les actionnaires, qui sont les compagnies d’électricité, menacent de se retirer à cause de l’ouverture du marché de l’électricité. Le gouvernement, qui s’obstine à vouloir exploiter le plutonium malgré l’échec complet de sa politique industrielle en ce sens, devrait suivre cet avis. Le démarrage de l’usine de retraitement, dont la construction a démarré en 1993, a déjà été repoussé 23 fois.

Les compagnies devraient toujours mettre la main à la poche dans le nouveau plan.

Annonce du retrait du toit du réacteur n°2

TEPCo a annoncé qu’elle allait commencer à retirer le toit du réacteur n°2 à partir de l’été 2016, au plus tôt. Elle espère finir pour mars 2019. Puis elle procédera au retrait des 615 assemblages de combustible de la piscine à partir de 2020. La compagnie se donne deux ans pour indiquer comment elle s’y prendra. Elle pourrait recouvrir le bâtiment d’une couverture avant de faire tomber les murs.

Comme pour les réacteur n°1 et 3, le débit de dose est trop élevé pour que se soient des humains qui fassent le travail.

Météo des centrales nucléaires japonaises

• Kansaï Electric a déposé une demande officielle de prolongation “exceptionnelle” jusqu’à 60 de l’exploitation du réacteur n°3 de sa centrale de Mihama à Fukui. Les réacteurs 1 et 2 de cette même centrale ont été arrêtés définitivement en mars 2015 car trop vieux. Le n°3 aura 40 ans en décembre 2016 et devrait donc être aussi arrêté définitivement, mais KEPCo va essayer d’obtenir l’autorisation d’exploiter ce réacteur 20 ans de plus, comme le permet la loi. En avril dernier, elle avait déjà fait une telle demande pour les réacteurs n°1 et 2 de sa centrale de Takahama, toujours à Fukui. Ce sont uniquement les arguments économiques qui ont compté dans cette décision.

L’Autorité de Régulation Nucléaire, la NRA, avait jugé que les failles qui passent sous cette centrale ne sont pas actives. En revanche, elle avait dû batailler dur pour que KEPCo accepte de réévaluer le risque sismique et elle n’aura qu’un an pour évaluer le dossier de sûreté, ce qui est extrêmement court.

KEPCo a toujours tous ses réacteurs arrêtés.

• A Higashidôri, dans la province d’Aomori, la NRA vient de confirmer que les failles F3 et F9 qui passent à proximité de la centrale sont actives. Elle estime aussi que d’autres failles similaires qui passent sous le site de la centrale pourraient aussi bouger dans l’avenir. Tôhoku Electric, l’exploitant, aura sûrement à revoir la tenue sismique de son réacteur. En revanche, la NRA n’a pas encore conclu à propos de la faille qui passe sous une prise d’eau de refroidissement, un élément important pour la sûreté. Si c’était le cas, Tôhoku Electric devra arrêter définitivement le réacteur n°1, mis en service en 2005 et à l’arrêt depuis février 2011. La compagnie espère toujours un redémarrage en 2017.

• 2 900 habitants ont participé à un exercice de crise à la centrale de Genkaï, dans la province de Saga. Une dizaine d’habitants de l’île d’Ikinoshima ont été évacués par hélicoptère. Ils auraient dû l’être par bateau, mais cela n’a pas été possible à cause du mauvais temps.

• Après que la NRA ait demandé au gouvernement de trouver un nouvel exploitant pour le surgénérateur Monju et un nième report du démarrage de l’usine dite Rokkashô-mura, le ministre de l’industrie a déclarer vouloir poursuivre le programme dit de “recyclage”. C’est un terme abusif car moins de 1% de ce qui sort des réacteurs est réellement recyclé en France. Au Japon, c’est 0%. Il ne suffit pas de décider pour que cela marche… car cette politique est dans l’impasse, comme nous l’avons déjà souligné.

L’Europe devrait lever ses exigences de contrôle de certains aliments en provenance du Japon

Selon la presse japonaise, un groupe d’experts de l’UE aurait accepté la proposition de la commission de ne plus exiger de contrôle de la radioactivité pour certains aliments importés du Japon. Ce serait le cas de légumes et de fruits de Fukushima à l’exception des kakis. Ce serait aussi le cas pour tous les produits en provenance des provinces de Saïtama et d’Aomori. En revanche, quelques plantes sauvages devraient être ajoutées à la liste des produits à contrôler. La décision devrait devenir officielle avant la fin de l’année.

Toujours selon les médias japonais, le pays espère augmenter ses exportations d’aliments vers l’Europe. Le volume reste très faible et est limité à quelques produits typiquement japonais. D’un autre côté, le ministère de l’agriculture vient de publier un rapport montrant que le nombre d’emplois dans l’agriculture et l’exploitation forestière a diminué de 18,1% en 20 ans. La baisse est de 60% sur 30 ans. Comment espérer augmenter les exportations dans de telles conditions ?

A Iwaté, Miyagi et Fukushima, la baisse a été plus forte, avec 22,6% ces 5 dernières années. Plus précisément, c’est 17,5% à Iwaté, 23,4% à Miyagi et 26% à Fukushima. Dans certaines communes côtières affectées par la catastrophe nucléaire, la chute du nombre d’agriculteurs et de forestiers atteint 46,7%

Cette levée probable des exigences de contrôle n’aura donc presque pas d’impact sur l’agriculture japonaise. En revanche, elle va être utilisée pour ce que les autorités appellent “lutter contre les rumeurs néfastes” et convaincre les Japonais de manger les produits de Fukushima sans crainte.

A peine scellé, le mur souterrain le long du rivage commence à pencher

Parmi les nombreuses mesures prises par TEPCo pour tenter de limiter les écoulements d’eau contaminée vers l’océan, il y a le mur souterrain tout le long du littoral devant la centrale qui a été fermé le 26 octobre dernier. La compagnie vient de découvrir qu’il commence à pencher vers la mer à cause de la pression de l’eau. Le sommet du mur penche de 20 cm par endroit.

L’enrobé en amont du mur commence aussi à se fissurer, toujours à cause de la pression de l’eau souterraine qui ne s’écoule plus aussi bien. Ces fissures sont colmatées pour éviter les infiltrations d’eau de pluie et des contreforts en acier sont installés pour soutenir le mur.

TEPCo a mis en ligne quelques photos et schémas commentés en japonais uniquement.

Impact de la radioactivité sur les oiseaux autour de la centrale de Fukushima daï-ichi

Anders Møller et Timothy Mousseau ont publié une grande quantité d’articles scientifiques montrant l’impact de la radioactivité sur les écosystèmes autour des centrales accidentées de Tchernobyl et Fukushima. Nous avons rapporté certaines de leurs études sur ce blog. Il y a, en particulier, plusieurs études sur l’impact biologique sur les oiseaux et leur déclin. Ils ont montré, par exemple, que l’exposition chronique à de faibles doses de radioactivité entraînait une baisse de la biodiversité, une diminution de la fertilité ainsi que de la taille du cerveau chez les oiseaux vivant à proximité de ces sites, selon l’article du Journal de l’Environnement. Nous avions aussi rapporté d’autres études plus récentes, en avril dernier.

Le 28 octobre 2014, l’IRSN avait vivement critiqué ces travaux pour leur manque de puissance statistique ou pour les biais dans l’évaluation des doses reçues. Mais l’institut ne proposait pas d’étude « modèle » ni de résultat, comme nous l’avions souligné.

Cette fois-ci, l’IRSN, Anders Møller et Timothy Mousseau publient un article commun qui les réconcilie. L’article est en libre accès. Dans sa note explicative, l’IRSN présente ces derniers comme deux écologues de renom.

Par le passé, l’IRSN leur reprochait d’avoir recourt à des doses ambiantes mesurées par radiamètre portatif pour évaluer l’exposition. La dose interne liée à l’alimentation n’était pas prise en compte. Par ailleurs, pour les oiseaux qui se déplacent sur de grands territoires, il est plus difficile d’évaluer la dose reçue.

Cette fois-ci, l’IRSN explique que la reconstruction des doses aux oiseaux permet de prendre en compte l’hétérogénéité de la contamination du territoire ainsi que l’influence du mode de vie des espèces sur leur niveau d’exposition. Dans le cadre de la présente étude, un travail de reconstruction dosimétrique a permis de prendre en compte les voies d’irradiation externe et interne ainsi que les spécificités d’exposition des oiseaux en fonction de leur mode de vie. Ainsi, les débits de dose reconstruits peuvent être supérieurs jusqu’à un facteur 20 aux débits de dose ambiants tels que mesurés in situ par des radiamètres portatifs. De plus, pour un même site, les débits de dose reconstruits varient d’un facteur 8 entre les 57 espèces examinées. Il apparait que 90 % des espèces sont exposées de manière chronique à des débits de doses susceptibles d’affecter leur reproduction.

Cette étude commune confirme l’impact de la radioactivité sur la reproduction des oiseaux. L’IRSN explique qu’une réduction de 22% du nombre total d’oiseaux se produit lorsque la dose absorbée augmente de 10 à 100 mGy (ou 10 à 100 mSv). Par ailleurs, la dose qui entraîne 50% de perte sur le nombre total d’oiseaux (dans la zone et pour la totalité de la période) est estimée à 550 mGy (ou 550 mSv).

Comme ont l’habitude de le souligner Møller et Mousseau, ces oiseaux ne sont pas stressés par l’accident nucléaire, ils ne boivent pas et ne fument pas…

Par ailleurs, lors de ses précédents travaux, Møller et Mousseau avaient conclu à une baisse du nombre d’espèces lorsque la dose ambiante augmente, tandis que la nouvelle étude montre au contraire une hausse du nombre d’espèces avec la dose totale absorbée. Mais la méthode pour évaluer la diversité des espèces n’est pas la même.

Aspirateur géant pour le réacteur n°1

TEPCo a commencé à retirer les débris qui jonchent le sommet du réacteur n°1 avec un aspirateur géant. La compagnie va ensuite installer un système d’aspersion d’une résine fixatrice afin d’éviter la dispersion de poussières comme pour le réacteur n°3.

Les débris qu’il peut aspirer peuvent faire jusqu’à 25 cm et 20 kg. L’appareil est, bien entendu, télécommandé car le débit de dose y est trop élevé pour des humains. Voir quelques photos commentées en japonais.

Imbroglio à propos de foin contaminé

De nombreuses fermes ont toujours sur les bras du foin et de la paille contaminés. Au-delà de 8 000 Bq/kg en césium, c’est considéré comme déchet radioactif et le gouvernement doit trouver une solution, avec le succès que l’on sait… En deçà, c’est aux communes de prendre en charge ces déchets, comme des déchets agricoles ordinaires. Et en dessous de 100 Bq/kg, cela peut être utilisé pour nourrir les animaux.

Mais, même en dessous de 8 000 Bq/kg, les autorités locales peinent à trouver des solutions. Les riverains sont opposés à l’incinération.

Selon l’Asahi, la commune de Shiroishi, dans la province de Miyagi, a trouvé la solution : donner les balles de foin contaminé à M. Yoshizawa qui a refusé de quitter Namié, située dans la zone évacuée, pour que le bétail ne soit pas abattu. Nous avons déjà parlé de lui et son troupeau car certaines de ses vaches ont des taches blanches inexpliquées. Comme il a environ 330 têtes de bétail provenant de plusieurs élevages à nourrir dans son “ranch de l’espoir”, il a accepté le foin de Shiraishi. Cela ne lui posait pas de problème car son bétail ne pourra jamais servir à l’alimentation.

Cela a déplu au maire de Namié, M. Tamotsu Baba, qui est allé se plaindre à son homologue de Shiraishi. Ce geste constituerait un manque de considération pour les sentiments des anciens habitants de Namié. Mais pour le maire adjoint de Shiraishi, il s’agit d’un geste humanitaire destiné à aider les agriculteurs de sa commune et l’éleveur de Namie, qui n’a rien d’illégal car le foin a moins de 8 000 Bq/kg. 1 100 balles de foin ont été transférées depuis la fin octobre dernier.

Le 18 novembre dernier, le ministère de l’agriculture et les autorités régionales de Miyagi ont demandé à Shiraishi de cesser les transferts car cela pourrait entraîner une “désinformation”. Pour une fois qu’il y avait une solution innovante pour gérer les déchets radioactifs…