Nouvelle fuite dans la mer et record de la contamination dans le port

Des travailleurs ont trouvé une fuite d’eau très radioactive sur un tuyau, vendredi 29 mai, et l’eau s’est écoulée dans le port devant la centrale. Le tuyau, qui relie un réacteur à une cuve, a une fente d’un centimètre de long.

Jeudi 28 mai, TEPCo a mesuré une contamination bêta total de 1 200 Bq/L dans un drain situé entre la fuite et la mer, ce qui 40 fois plus élevé que la veille. Et vendredi 29 mai, c’est monté à 1 400 Bq/L. TEPCo pense donc que la fuite a duré deux jours.

Une photo du tuyau, un plan de situation et quelques explications en japonais sont ici en ligne.

La contamination dans le drain est ensuite montée à 22 000 Bq/L en bêta total. Puis, TEPCo a mesuré entre 190 et 320 Bq/L, toujours en bêta total, dans l’eau mer prélevée dans le port, ce qui constitue plusieurs records (prélèvements du 29 mai 2015).

TEPCo ajoute toujours que cette n’eau n’a pas affectée l’océan, ce qui ne veut rien dire. Que signifie affecter ? Le port n’est pas étanche puisque le niveau de l’eau y varie avec la marée. L’eau contaminée se retrouve dans l’océan où elle est fortement diluée. D’ailleurs, le 30 mai, un record de contamination de l’eau de mer près de l’embouchure a été battu avec 18 Bb/L en bêta total. Rappelons que TEPCo se refuse de rejeter en mer une eau qui aurait plus de 5 Bq/L en bêta total.

Cette fuite s’ajouter à ce qui s’échappe quotidiennement via les nappes phréatiques qui restent fortement contaminées. Il suffit de consulter les dernières données : cela monte jusqu’à 660 000 Bq/L dans le puits 1-6 (prélèvement du 28 mai).

De nombreux hameaux pourraient être isolés en cas d’accident nucléaire lié à une catastrophe naturelle

Le Japon est en grande partie montagneux et exposé aux catastrophes naturelles comme les séismes, typhons… Cela peut entraîner des glissements de terrain qui bloquent les accès à des hameaux. Selon le Maïnichi, il y a 2 318 hameaux situés dans un rayon de 30 km autour d’une centrale nucléaire qui risqueraient ainsi d’être impossibles à évacuer en cas de catastrophe complexe. En effet, les accidents nucléaires peuvent être déclenchés par les catastrophes naturelles, comme le Japon en fait l’amère expérience.

En 2004, alors que nombreux habitants avaient été bloqués suite au séisme survenu à Niigata, qui avait endommagé la centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa, les autorités ont recensé les lieux vulnérables. En 2014, les autorités ont expliqué en avoir trouvé 19 160. Le Maïnichi a demandé l’accès à ces documents pour avoir le nom des hameaux et a compté ceux qui étaient à moins de 30 km d’une centrale nucléaire.

70% des 135 communes situées dans ce rayon sont concernées. Il y a 207 177 habitants qui vivent dans les 2 318 hameaux concernés dont 9 345 sont connus pour avoir besoin d’assistance en raison de leur âge, de handicap ou d’une autre raison.

Dans 1 876 hameaux, soit 81% des cas, il n’y a pas de terrain qui pourrait servir d’héliport pour évacuer les habitants. 1 461 hameaux n’ont pas de réserve d’eau et 1 456 pas de réserve de nourriture en cas de confinement suite à un rejet radioactif.

Les communes concernées qui ont déjà rédigé leur plan d’urgence sont conscientes du problème, mais se déclarent démunies. Elles estiment que ce sera du ressort du gouvernement national d’aller chercher les habitants avec des hélicoptères ou demandent une aide financière pour aménager une esplanade qui pourrait servir d’héliport.

Le dossier de sûreté de la centrale de Sendaï est instruit

L’Agence de Régulation Nucléaire, la NRA, a fini d’instruire le dossier de sûreté des réacteurs n°1 et 2 de la centrale de Sendaï à Kagoshima. Le dernier point concernait les plans d’urgence interne. Les plans d’urgence externe, qui concernent la population environnante, ne sont pas instruits par la NRA, bien qu’il s’agisse du cinquième niveau de protection dans le cadre de la défense en profondeur.

Il y a encore des inspections à mener avant que l’exploitant, Kyûshû Electric, ne puisse charger le combustible. Elles vont concerner les équipements, les opérations et l’organisation.

Le chargement du combustible devrait commencer le mois prochain, le démarrage devrait avoir lieu en juillet et la production d’électricité en août, si tout va bien. Mais les inspections avant remise en route, qui ont débuté en mars dernier, ont déjà pris du retard. Seulement 20 items sur 220 ont été inspectés.

Des vulcanologues continuent d’exprimer leurs doutes sur la sûreté de cette centrale entourée de nombreux volcans. S’il est peu probable que de la lave atteigne la centrale, il n’est pas sûr que les employés puissent rester sur place en cas de forte éruption de l’Aïra situé à une cinquantaine de kilomètres.

Toute l’eau contaminée des cuves a été “traitée”

On le sait, TEPCo a mis en place un vaste programme de décontamination de l’eau qui sert au refroidissement des réacteurs accidentés, fortement radioactive, qui se mélange avec de l’eau souterraine qui pénètre dans les sous-sols des réacteurs. Ses diverses stations de traitement ont accumulé les déboires, mais la compagnie vient d’annoncer qu’elle a fini de “traiter” toute l’eau accumulée dans les cuves.

La station ALPS est supposée retirer 62 radioéléments, mais pas le tritium, qui est de l’hydrogène radioactif. Tout n’a pas été traité par ALPS. Suite aux multiples pannes qui ont affecté cette installation, la compagnie a mis en place un « plan B » qui consiste à retirer que le strontium, en plus du césium déjà retiré par une unité appelée SARRY depuis 2011. En sortie, l’eau est qualifiée de « traitée » par TEPCo, même si elle est encore fortement contaminée. La compagnie a donc retiré le césium et le strontium de 620 000 m3 d’eau. Il resterait 10 000 m3 d’eau non traitée au fond des cuves qui n’ont pas pu être reprises.

Sur ces 620 000 m3, 440 000 m3 sont aussi passés par ALPS. Il reste donc 180 000 m3 à traiter complètement.

Quel est l‘intérêt ? Les cuves d’eau contaminée sont fortement irradiantes pour les travailleurs sur le site. Diminuer la contamination de leur contenu est donc positif. En cas de fuite importante, l’impact sera moindre. Voir le communiqué de la compagnie. (Voir aussi ce second communiqué où la compagnie se vante d’être en avance sur son calendrier dans son titre, puis explique pourquoi elle est en retard dans le texte…) Mais, comme TEPCo ne retire pas le tritium et que le stock de ce radioélément dépasse largement les autorisations de rejet en mer, le volume global et donc le nombre de cuves ne diminue pas. Au contraire, il continue à s’accroître de 300 m3 par jour à cause des infiltrations d’eau souterraine.

Comme on le sait, TEPCo tente de geler le sous-sol en amont pour réduire les infiltrations. Les dernières données publiées ne semblent pas très probantes : les températures ne sont devenues négatives que pour le point n°9.

Et les cuves avec les boues radioactives issues de ce traitement dégagent des gaz radioactifs et certaines ont débordé. Parmi ces gaz, il y a de l’hydrogène qui peut être explosif, ce qui n’est pas sans inquiéter l’Agence de Régulation Nucléaire, la NRA. Surtout qu’une de ces cuves n’était pas équipée de valve de sécurité pour éviter les trop fortes pressions.

La compagnie n’a pas de solution à long terme pour l’eau décontaminée par ALPS, autre que celle de la rejeter dans l’océan ou de l’évaporer, ce qui signifie la disperser dans l’environnement, ni pour les déchets fortement radioactifs engendrés par ces traitements.

Par ailleurs, elle a commencé à démanteler une quarantaine des premières cuves non soudées qui avaient fui. Il y en a environ 370 en tout. Les travaux viennent de commencer et devraient se terminer en janvier 2016. Voir les photos. Rien n’est dit sur le devenir des déchets engendrés dans le communiqué de la compagnie.

Mix électrique jugé peut crédible

Selon un sondage Reuters, les deux tiers des entreprises interrogées s’attendent à ce que la part du nucléaire dans le mix électrique soit plus faible à l’horizon 2030 soit plus faible que les 20 à 22% annoncés par le gouvernement. En effet, le nombre de réacteurs qui pourraient redémarrer devrait être inférieur à la moitié du parc de 2010 qui couvrait 30% des besoins. Pour le moment, tout le parc est arrêté.

Kyûshû Electric a demandé à la NRA d’inspecter le réacteur n°2 de sa centrale de Sendaï à Kagoshima et espère pouvoir le redémarrer en septembre 2015. Pour le réacteur n°1, elle compte toujours sur un redémarrage en juillet.

D’un autre côté, à Hamaoka, dans la province de Shizuoka, le redémarrage est entravé, entre autres, par le manque de capacité d’entreposage des combustibles usés.

L’exploitant, Chûbu Electric, a décidé d’arrêter définitivement les réacteurs 1 et 2 et de les démanteler. Leurs piscines d’entreposage ne peuvent donc plus être utilisées, ce qui réduit les capacités totales de la centrale. Si les réacteurs 3 à 5 devaient être redémarrés, les piscines seraient pleines en à peine plus de deux ans. Ce scénario n’est pas réaliste car de l’eau de mer est remontée dans le réacteur n°5, entraînant de la corrosion.

Les capacités d’entreposage ont été diminuées de 440 tonnes de combustible pour atteindre 1 300 tonnes alors que l’inventaire est de 1 130 tonnes.

Ce problème se pose ailleurs : seulement quatre centrales ont plus de 10 ans de fonctionnement possible devant elles sans trouver de solution alternative pour l’entreposage des combustibles usés. Comment arriver à 20% de nucléaire en 2030 dans de telles conditions ?

A Hamaoka, l’exploitant a sollicité l’autorisation de construire un entreposage à sec qu’il espère pouvoir utiliser à partir de 2018, si tout va bien. Rappelons que cette centrale est située à proximité d’une faille sismique majeure et qu’elle avait été arrêtée en mai 2011 sur ordre du premier ministre.

Les victimes de la catastrophe de Fukushima créent un collectif

23 000 victimes de la catastrophe de Fukushima se sont constituées en collectif national intitulé Hidanren. Des photos sont ici. 300 d’entre elles étaient à l’assemblée générale constituante ce week-end à Nihonmatsu dans la province de Fukushima. Ce collectif fédère les 13 groupes qui ont porté plainte contre TEPCo ou ont entamé une action auprès de la structure de conciliation concernant l’indemnisation.

Ces personnes veulent unir leurs forces alors que les autorités poussent au retour des populations et veulent arrêter les indemnisations. Ils sont aussi très inquiets à propos de l’état des réacteurs accidentés.

L’association a adopté une déclaration demandant une reconnaissance par TEPCo de ses responsabilités, une indemnisation complète et un rétablissement des conditions de vie. Elle demande aussi une meilleure couverture médicale et des mesures de réduction de l’exposition. Les participants veulent aussi poursuivre les responsables de la catastrophe.

Records récents de la contamination de l’eau

EN amont des réacteurs, au pied des cuves, il y a maintenant 20 000 Bq/L en bêta total dans le puits E9 (prélèvement du 20 mai).

Au pied du réacteur n°3, c’est la contamination en tritium qui bat des records avec 3 800 et 520 Bq/L dans deux puits (prélèvement du 6 mai). Une semaine plus tard, elle sera encore plus élevée avec respectivement 4 300 et 690 Bq/L dans ces mêmes puits (prélèvements du 13 mai).

La contamination en césium-137 bat aussi un record dans le puits 1-8 avec 400 Bq/L dans le prélèvement du 11 mai et 420 Bq/L dans celui du 18 mai. Il y a aussi un record en césium dans le puits 1-18. Celle en bêta total dans le puits voisin atteint le niveau record de 2 800 Bq/L (prélèvement du 14 mai). Des records sont battus dans l’eau de mer en césium quelques jours plus tard, avec des 19 et 45 Bq/L pour le seul césium-137 (prélèvement du 19 mai).

Dans d’autres puits de contrôle, la contamination reste très élevée, même s’il ne s’agit pas de records : il y a ainsi 580 000 Bq/L en bêta total dans le puits 1-6 et 130 000 Bq/L en tritium dans les puits n°1 et 1-17 (prélèvements du 11 mai).

Enfin, en avril dernier, deux records de la contamination en strontium-90 de l’eau de mer ont été battus avec 670 et 680 Bq/L (prélèvements du 6 avril 2015). Dans un des deux cas, la contamination en strontium-90 est bien plus élevée que celle en bêta total (560 Bq/L), ce qui ne semble pas perturber TEPCo… Ce n’est pourtant pas possible.

Rappelons que TEPCO ne s’autorise pas à rejeter en mer une eau pompée en amont des réacteurs qui aurait plus de 5 Bq/L en bêta total (dont le strontium) et 1 500 Bq/L en tritium.

C’était notre rubrique « la situation est sous contrôle ».

Risque d’explosion hydrogène des cuves de déchets liquides

Nous avions signalé que des cuves de déchets liquides avaient fui. TEPCo avait alors suggéré que ce pouvait être dû à des gaz qui ont fait augmenter la pression et provoqué des débordements. Il s’avère que ce gaz est de l’hydrogène qui peut être explosif !

Ces cuves contiennent de la boue et des déchets liquides très radioactifs issus du traitement de l’eau contaminée de la station ALPS.

Il y a environ 1 400 cuves destinées à recueillir ces déchets et toutes ne sont pas encore pleines. Elles sont en polyéthylène, font 1,80 m de haut et 1,5 m de diamètre. Au 20 mai, TEPCo en a inspecté 278 et en a trouvé 26 qui avaient fui.

L’Agence de Régulation Nucléaire pense que cette accumulation de gaz pose un véritable danger. La moindre étincelle et ce peut être la catastrophe. Ces cuves sont supposées être équipées d’une valve pour permettre l’évacuation des gaz, mais une n’en avait pas ! Le nombre de cuves défectueuses pourrait être de 334. 305 d’entre elles sont déjà utilisées. TEPCo accuse le fournisseur aux Etats-Unis et va les contrôler rapidement.