Dosimètres Chiyoda : l’IRSN répond à l’ACRO

En janvier dernier, nous avions évoqué que la compagnie Chiyoda avait reconnu, lors d’une réunion du conseil municipal de Daté, que ses dosimètres « glass-badges » sous-estimaient de 30 à 40% la dose enregistrée en cas d’utilisation dans un environnement entièrement contaminé. Puis, nous avions précisé que, suite à la parution d’un article dans la presse japonaise à ce sujet, Chiyoda l’a aussi affiché sur son site Internet.

Dans l’article rédigé pour les quatre ans de la catastrophe, Fukushima : des défis insurmontables, qui a été beaucoup repris, nous écrivions que : « L’IRSN, qui a sélectionné ces dosimètres en France et accompagne le maire de Daté dans le cadre d’Ethos in Fukushima, n’aurait pas jugé utile d’apporter cette information ? »

L’IRSN nous a écrit à ce sujet pour nous demander de rectifier cette affirmation. L’institut explique qu’il y a bien un écart entre les doses estimées à partir de ce qui est enregistré par un dosimètre d’ambiance (radiamètre) et les valeurs affichées par les dosimètres individuels de type glass-badges mais que ce sont « les dosimètres passifs individuels [qui] donnent une estimation correcte de la dose efficace représentative de l’exposition réelle des personnes, et [que] les dosimètres d’ambiance surestiment considérablement cette même dose efficace ». Il appuie sa démonstration sur le rapport 57 de l’International Commission on Radiation Units and Measurements.

Pour les lecteurs experts, l’IRSN conclut : « En conséquence, le dosimètre individuel RPL [de Chiyoda] fournit une mesure (exprimée en Hp(10)) qui est une très bonne estimation de la dose reçue par un individu sur un territoire contaminé. Cette mesure est inférieure à la dose d’ambiance (exprimée en H*(10)) de 30 à 40%, non pas parce qu’elle sous-estime la dose reçue par un individu mais parce que la dose d’ambiance surestime la dose efficace d’environ 50% aux énergies et dans les conditions d’exposition d’un territoire contaminé. »

Une note explicative détaillée est disponible sur le site Internet de l’Institut à ce propos.

Mais le zonage des territoires contaminés est effectué à partir de la dose ambiante qui sert donc de référence à la population.

La Cour des comptes japonaise se penche sur le coût de la catastrophe nucléaire

Le gouvernement a emprunté 9 000 milliards de yens pour prêter à TEPCo de l’argent pour indemniser les victimes (presque 70 milliards d’euros). A la fin de l’an dernier, la moitié de cette somme avait déjà été versée (4 534 milliards de yens). Le gouvernement espère être remboursé par TEPCo et les autres compagnies d’électricité. Il est, de plus, devenu actionnaire majoritaire et espère pouvoir gagner 2 500 milliards de yens (20 milliards d’euros) en revendant ses parts quand les actions auront augmenté. Ce ne sera possible que si l’action double.

Si TEPCo rembourse en plus de l’ordre de 50 milliards de yens par an, comme en 2014, le gouvernement pourrait récupérer ses fonds dans 30 ans, en 2044, selon la Cour des comptes japonaise (Board of Audit). Dans l’option la plus favorable, le remboursement pourrait être possible en 21 ans.

TEPCo ne paye pas d’intérêt, mais le gouvernement, si. Cela pourrait coûter de l’ordre de 126,4 milliards de yens (un milliard d’euros) aux contribuables. La Cour des comptes demande donc au gouvernement de faire plus d’efforts pour récupérer sa mise.

A la fin janvier, TEPCo estimait les indemnisations à environ 5 620 milliards de yens (43 milliards d’euros). Le démantèlement des réacteurs 1 à 4 de la centrale de Fukushima daï-ichi et le traitement de l’eau contaminée devraient lui coûter 1 000 milliards de yens (7,6 milliards d’euros). A la fin de l’année fiscale 2013, qui est en mars 2014, la compagnie avait déjà déboursé 400 milliards de yens. A la fin mars 2015, le gouvernement a déjà engagé 189,2 milliards de yens (1,6 milliards d’euros) en R&D sur le démantèlement et la gestion de l’eau.

La mise en place du seul mur gelé coûte 40,7 milliards de yens dont 31,9 milliards payés par le gouvernement.

Le ministère de l’environnement estime que la décontamination et le stockage des déchets lui coûteront 17,5 milliards d’euros. Ces estimations ne prennent pas en compte les zones les plus contaminées pour lesquelles il n’y a pas de décision de prise, ni le futur site de stockage définitif des déchets issus de la décontamination à Fukushima.

La Cour des comptes recommande à TEPCo d’engager un retour d’expérience sur ses échecs en matière de gestion de l’eau contaminée et de réclamer une contribution financière aux sous-traitants. Ces échecs coûtent cher : il y en aurait pour 68,6 milliards de yens en tout (525 millions d’euros). C’est plus du tiers que ce que payeront les contribuables. Elle cite, notamment,

  • la station de traitement Areva qui n’a fonctionné que 3 mois et n’a traité que 77 000 m3 d’eau contaminée  pour un coût de l’ordre de 32 milliards de yens (250 millions d’euros) ;
  • les unités de désalinisation de l’eau de mer utilisée pour le refroidissement fournies par Hitachi GE Nuclear Energy, Toshiba Corp. et Areva pour un coût total de 14,8 milliards de yens (113 millions d’euros). Une machine n’a marché que 5 jours. Celle qui a servi le plus longtemps, 6 semaines ;
  • les cuves souterraines qui ont fui tout de suite : 2,1 milliards de yens (16 millions d’euros) ;
  • les premières cuves non soudées, qui ont fui rapidement, ont dû être remplacées, bien qu’elles avaient coûté de l’ordre de 16 milliards de yens (122 millions d’euros).
  • ou la tentative infructueuse de gel de la galerie souterraine pour 100 millions de yens (760 000 euros).

Lien vers les rapports de la Cour des comptes.

Monju serait sûr

Dans son rapport annuel remis au ministère de la science et technologie, la Japan Atomic Energy Agency (JAEA), l’équivalent du CEA, explique, sans vergogne, qu’elle a suffisamment amélioré la sûreté de son surgénérateur prototype Monju, en panne depuis 1995. Même le ministre n’était pas convaincu et a demandé à la JAEA d’améliorer la culture de sûreté… afin de gagner la confiance du public. Le président de l’agence n’a pu qu’approuver car l’autorité de sûreté, la NRA a récemment dit que cela ne suffisait pas. Il serait temps d’arrêter cet acharnement thérapeutique en arrêtant définitivement ce réacteur dépassé avant même d’avoir pu fonctionné et dangereux.

Cérémonie de fin d’année à Kawauchi et Futaba

Il y avait 3 000 habitants à Kawauchi avant la catastrophe nucléaire, une école élémentaire et un collège. A l’école primaire, c’était la cérémonie de fin de cycle pour ceux qui passent au collège, avec une seule élève ! Après avoir évacué à Kôriyama en 2011, sa famille est revenue vivre à Kawauchi en 2012 et elle réintégré son école en avril de cette année là. Elle était la seule élève dans sa classe ces trois dernières années et elle sera encore la seule élève de sa classe au collège de Kawauchi… où il y a 13 enfants inscrits.
Cette année, il y avait 29 élèves à l’unique école élémentaire de cette commune et 15 employés. Ils étaient 114 élèves avant la catastrophe.

A Futaba, commune entièrement évacuée pour longtemps, l’école a rouvert à Iwaki où une partie des habitants se sont installés. Il y avait deux élèves à la cérémonie de fin de primaire. Ce sont les premiers depuis la catastrophe. La commune avait deux écoles, une au Nord et une au Sud, avec 340 élèves en tout. Une seule école a rouvert à Iwaki l’an dernier, avec seulement 6 élèves. Les autres vont à l’école à proximité de leur nouveau lieu de vie.

Le cœur du réacteur n°2 a bien fondu

Après les informations de TEPCo sur le réacteur n°1, l’université de Nagoya fait savoir qu’elle a aussi utilisé les muons d’origine cosmique pour radiographier la cuve du réacteur n°2 et a comparé les images à celles obtenues pour le réacteur n°5 où il n’y a eu de fusion du cœur. Les conclusions sont similaires à celles pour le réacteur n°1 : il n’y a plus de trace visible du cœur dans le réacteur n°2 qui aurait donc entièrement fondu.

Voir le communiqué en japonais de l’université de Nagoya avec quelques images qui annonce une présentation le 22 mars prochain devant la société japonaise de physique.

L’expérience aurait eu lieu entre avril et juillet l’an dernier. Pourquoi TEPCo n’a rien dit ? Pourquoi n’a-t-elle pas annoncé les résultats pour le réacteur n°2 en même temps que ceux pour le 1 ? Les chercheurs de l’université de Nagoya ont dû obtenir l’accord de la compagnie pour pénétrer sur le site et y mener des expériences. C’est l’IRID qui a mené les expériences pour le réacteur n°1. Une simple compétition entre chercheurs ?

La technologie utilisée pour la détection des muons semble différente dans les deux cas.

La commune de Takahama accepte le redémarrage des deux réacteurs

Sans surprise, la commune de Takahama vient de donner son feu vert au redémarrage des réacteurs 3 et 4 de la centrale de Takahama. En ce qui concerne les autorités régionales, la décision sera prise après les élections qui auront le 12 avril prochain. Le redémarrage n’est pas pour tout de suite car il y a encore beaucoup de documents à écrire et des inspections à mener.

Témoignage du maire de Kawauchi

Le maire de Kawauchi se démène pour faciliter le retour des habitants dans le village. Mais sur les 3 000 habitants qu’il y avait avant la catastrophe, seulement 1 600 sont rentrés. Parmi les moins de 40 ans, seulement 20% sont rentrés. Des familles ont éclaté et le nombre de foyers est passé de 1 100 à 1 500.

Le maire déclare à l’Asahi que le village ne sera jamais plus comme avant. Les jeunes se sont habitués à leur nouvelle vie. Les enfants sont dans de nouvelles écoles. D’autres ont trouvé un nouvel emploi. Revenir serait alors comme quitter cette nouvelle vie pour s’habituer à nouveau à un nouvel environnement.

Il comprend ce choix et liste les défis qui restent à relever. 87% du territoire de la commune est couvert de forêts qui n’ont pas été décontaminées et qui ne seront pas décontaminées. Il faut attendre patiemment la lente décroissance du césium. Mais c’est surtout l’avenir à long terme du village qui l’inquiète. Que se passera-t-il quand il n’y aura plus de soutien gouvernemental ? Sera-t-il possible de repeupler la commune ?

A cause de l’exode rural et de la baisse des naissances, les prévisions sur l’évolution de la population donnaient un nombre d’habitants de 1 600 vers 2030. La catastrophe a accéléré le processus et ce chiffre est atteint en 2015. Et comme il y a très peu de jeunes, il n’y a pas d’avenir, même si le gouvernement investit dans des infrastructures rutilantes.

Le maire réclame des mesures fiscales favorables à l’installation à la campagne ainsi qu’une décentralisation des services publics.

Le corium du réacteur n°1 a entièrement percé la cuve

Une équipe de chercheurs a fait une radiographie de la cuve du réacteur n°1 à l’aide de muons, des particules cosmiques. Ils confirment ce qui était pressenti à l’aide de simulations numériques, à savoir que le corium, à savoir le combustible fondu, a percé la cuve et qu’il ne reste rien, ou presque rien dans cette dernière.
Les images ne sont pas de bonne qualité, comme prévu. La résolution est de l’ordre du mètre et ne permet donc pas de voir de petits débris. Les chercheurs auraient pu repérer le combustible dans la piscine, mais n’ont rien vu dans la cuve.
En revanche, aucune indication n’est donnée sur la localisation du corium.

Contamination des poissons

TEPCo a mis en ligne ses résultats mensuels sur la contamination des poissons pêchés dans le port devant la centrale et au large, à moins de 20 km. Au large, aucun spécimen ne dépasse la limite de mise sur la marché fixée à 100 Bq/kg pour le césium radioactif. La plus forte valeur est de 69 Bq/kg. C’est une bonne nouvelle.
En revanche, dans le port où les poissons sont piégés, elle dépasse presque tout le temps cette limite. Les données vont de 23 à 2 250 Bq/kg en césium.

Arrêt définitif de cinq réacteurs

Ce n’est pas une information nouvelle, mais c’est devenu officiel : cinq réacteurs nucléaires vont être arrêtés définitivement. Mardi 17 mars, l’annonce concernait les réacteurs n°1 et 2 de Mihama exploités par Kansaï Electric et le réacteur n°1 de Tsuruga exploité par Japan Atomic Power Co (JAPCo), tous dans la province de Fukui. Mercredi 18, c’était au tour du réacteur n°1 de Genkaï exploité par Kyûshû Electric dans la province de Saga et du réacteur n°1 de Shimané exploité par Chûgoku Electric.

Ce n’est qu’un début car d’autres réacteurs ne satisferont jamais aux nouveaux critères de sûreté. Même Reuters pense qu’in fine, le Japon pourrait ne redémarrer qu’un tiers de son parc nucléaire.

Ces cinq réacteurs sont vieux et génèrent peu d’électricité. Une remise aux nouvelles normes de sûreté coûterait trop cher.

Il n’y a pas de site pour stocker les déchets issus du démantèlement. Le ministre de l’économie s’inquiète et demande aux compagnies d’électricité d’avoir un rôle actif dans la recherche de solutions. Le porte-parole du gouvernement a rajouté que les compagnies sont responsables de leurs déchets et doivent trouver un site de stockage. A Fukui, les élus locaux concernés par ces arrêts définitifs s’inquiètent aussi pour leurs finances qui sont très dépendantes du nucléaire. Presque toute l’économie locale est tournée vers cette industrie. Le maire de Mihama estime qu’il va perdre 600 millions de yens de revenu annuel. Et comme l’argent coulait à flot, la commune a investi dans les infrastructures surdimensionnées dont l’entretien lui coûte cher. Une piste potentielle ? Si vous voulez des sous, gardez les déchets… A Saga, d’après l’Asahi, ils accueillent favorablement la décision de l’arrêt définitif.

En un peu plus de quatre ans, le Japon est donc passé de 54 à 43 tranches. Outre les 6 réacteurs de Fukushima daï-ichi, il y a trois autres réacteurs en cours de démantèlement : ce sont les réacteurs n°1 et 2 de Hamaoka (Shizuoka) et le n°1 de Tôkaï (Ibaraki). A Tôkaï, l’exploitant veut enterrer une partie des déchets (12 300 tonnes) sur le site de la centrale. A Hamaoka, 4 000 tonnes déchets sont entreposés sur place en attendant de trouver une solution.

Le démantèlement des 5 réacteurs dont l’arrêt définitif vient d’être confirmé devrait engendrer plus de 20 000 m3 de déchets radioactifs.

Tout le parc japonais est arrêté depuis plus de 18 mois. L’agence de régulation nucléaire, la NRA, vient d’approuver des documents concernant les mesures de protection contre les séismes pour le réacteur n°1 de la centrale de Sendaï (Kagoshima). Il y a encore des documents à soumettre, mais les inspections vont pouvoir commencer. Il n’y a pas de redémarrage prévu avant juin 2015, au plus tôt.

Kansaï Electric a aussi déposé une demande d’autorisation de redémarrage pour les réacteurs n°1 et 2 de sa centrale de Takahama et pour le réacteur n°3 de celle de Mihama, tous dans la province de Fukui. Ils ont été mis en service en 1974, 1975 et 1976 respectivement. Comme la loi japonaise limite à 40 ans la durée d’exploitation des réacteurs, sauf demande exceptionnelle de prolongation jusqu’à 60 ans après avoir effectué des inspections supplémentaires, la compagnie semble être bien optimiste.

TEPCo va agrandir son siège régional de Niigata afin de convaincre les élus locaux et la population de l’intérêt de redémarrer sa centrale de Kashiwazaki-Kariwa. Voir le communiqué de presse en anglais.