Avenir énergétique du Japon

Le gouvernement a mis en place un groupe de travail pour établir le mix énergétique japonais à l’horizon 2030. Le ministre de l’industrie a planché devant le groupe et a soutenu que la part du nucléaire devrait dépasser 20% de la production (Maïnichi). C’était 28% avant 2011 et c’est 0% actuellement. Pour arriver à 20% il faudra construire de nouveaux réacteurs, ce qui paraît peu réaliste dans le contexte actuel.

En attendant, les exploitants investissent dans les centrales à charbon à cause du coût et 32 sont prévues en 2030, d’une capacité cumulée de 16,37 GW. L’Asahi estime que les émissions de CO2 du pays augmenteront de 5 à 6% avec un tel scénario.

Le Japon investit aussi dans des centrales à charbon à l’étranger (AP, via le Japan Times). C’est le cas, notamment, en Indonésie, en Inde et au Bengladesh. Et ces projets sont présentés comme « écologiques » car ils ont une meilleure efficacité que les centrales en place dans ces pays. Evidemment, cette vision des choses est très fortement critiquée.

En ce qui concerne les énergies renouvelables, un tarif de rachat avantageux a bien été introduit au Japon, mais cela a entraîné un tel boom dans les investissements que le gouvernement a mis des limites. Officiellement, le réseau électrique ne pourrait pas faire face. Mais, une adaptation du réseau ne semble pas être à l’ordre du jour.

Tous les pays étaient invités à présenter d’ici au 31 mars 2015 leur politique de limitation des rejets de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement à 2 °C par rapport à l’ère pré-industrielle. Le Japon n’a, semble-t-il, pas rendu sa copie.

Nouvelle transparence

TEPCo n’en finit pas d’améliorer sa transparence. Il faut dire qu’elle part de loin. Le dernier scandale sur la fuite cachée pendant plusieurs mois fait de nouveau réagir la compagnie qui s’est engagée à publier toutes ses données de mesure de la radioactivité. John Crofts, un ancien cadre de l’Atomic Energy Authority du Royaume-Uni, va être embauché pour prendre en charge cette communication (voir le communiqué de TEPCo).

La quantité de données publiées devrait doubler.

Cette annonce a été faite à l’occasion de la 8ième réunion plénière du comité de réforme de la compagnie. Voir la présentation en anglais. La compagnie veut aussi améliorer ses interactions avec les parties-prenantes en augmentant le nombre de réunions.

Il y a aussi le rapport de ce comité à propos de la non divulgation de la fuite qui est partie d’un toit du réacteur n°2.

TEPCo refuse de rembourser la décontamination dans les zones non évacuées

Les communes non évacuées où la contamination pourrait entraîner une exposition externe dépassant la limite annuelle en temps normal, à savoir le millisievert par an, ont engagé des travaux de décontamination. Elles en ont déjà pour 76,1 milliards de yens (585 millions d’euros) et TEPCo refuse de les rembourser. Selon le ministère de l’environnement, elle n’a déboursé que 2% de cette somme pour le moment. C’est donc le gouvernement qui paye, en attendant, avec l’argent des contribuables.

Le gouvernement a engagé 1 400 milliards de yens (11 milliards d’euros), dont 630 milliards (4,8 milliards d’euros) pour les travaux effectués par les communes. Il a réclamé 76,1 milliards de yens de remboursement à TEPCo pour payer ce qui a déjà été déboursé, en vain pour le moment. TEPCo n’a payé que 1,5 milliards de yens (11,5 millions d’euros).

La compagnie veut vérifier s’il lui revient légalement de prendre en charge ces coûts. Dans les zones évacuées où c’est le gouvernement qui a pris directement en charge les travaux, la compagnie rembourse. Ailleurs, elle rechigne alors que c’est dans la loi de 2011.

Et même si elle paye un jour, ce seront les contribuables qui payeront les intérêts. Quant à TEPCo, elle devrait faire un profit avant impôts de 227 milliards de yens cette année.

Début des inspections du réacteur n°1 de Sendaï

L’Agence de Régulation Nucléaire, la NRA, a commencé ses inspections du réacteur n°1 de la centrale de Sendaï (Kagoshima). Il s’agit de vérifier si les nouveaux équipements qui servent à renforcer la tenue aux séismes ont bien installés. Les inspecteurs vont aussi ausculter la tenue des équipements conventionnels car cela fait presque quatre ans que le réacteur est à l’arrêt.
Kyûshû Electric, l’exploitant, table toujours sur un redémarrage en juillet.

Contamination de l’eau souterraine

En amont des réacteurs, mais en aval des cuves, où l’eau est pompée pour être dérivée vers l’océan, la contamination en tritium du puits n°10 bat son propre record et atteint 900 Bq/L (prélèvement du 23 mars). C’est moins que la limite de 1 500 Bq/L que TEPCo s’est fixée pour le rejet en mer.

Un peu plus en amont, dans le puits E-9, où la contamination bêta total avait soudainement augmenté, elle y est toujours élevée, de l’ordre de 2 000 Bq/L (voir, par exemple, le prélèvement du 27 mars). Près de la zone G des cuves, c’est la contamination en tritium qui demeure élevée, avec 2 400 Bq/L dans le prélèvement du 15 mars, par exemple.

Enfin, au pied des réacteurs, même s’il n’y a plus de records battus, la contamination de l’eau souterraine reste beaucoup plus élevée : elle atteint 620 000 Bq/L en bêta total dans le puits 1-6, dont 540 000 Bq/L de strontium (prélèvement du 2 mars). Celle en tritium atteignait 150 000 Bq/L ce jour là.

Problèmes avec la piscine de combustibles usés du réacteur n°3

TEPCo vient d’annoncer que les deux portes de la piscine du réacteur n°3 ont été légèrement déplacées en mars 2011, mais qu’il n’y aurait pas de fuite. Chaque porte fait de 8 m de haut et 1,6 de large et permettent le chargement ou déchargement du cœur.

Rappelons que les piscines de combustible ne sont pas dans l’enceinte de confinement. En cas de grosse fuite d’eau et qu’il n’est plus possible de refroidir le combustible, il fondra, entraînant des rejets bien plus élevés qu’avec les cœurs qui restent confinés. Si ces portes avaient été un peu plus déplacées, une partie de l’eau aurait pu s’échapper sans pour autant vider complètement la piscine. L’évaporation aurait été plus rapide et l’on peut imaginer que les conséquences auraient pu être beaucoup plus graves. Ont-elles bougé à cause du séisme ? De l’explosion hydrogène ?

Par ailleurs, une pièce de 35 tonnes, tombée dans la piscine en mars 2011, est appuyée sur une de ces portes. TEPCo ne sait pas comment l’enlever sans risquer de provoquer une fuite. TEPCo espérait avoir fini de retirer les débris de la piscine en juin 2015. Ce ne sera probablement pas possible.

Il y a 566 assemblages de combustible usé dans cette piscine.

Evolution de la contamination des ressources halieutiques et impact

L’Agence de la pêche du ministère de l’agriculture, pêche et de la foresterie a mis en ligne un bilan de l’évolution de la contamination des ressources halieutiques au large de la centrale accidentée. L’Agence montre que la contamination des prises baisse rapidement. En 2015, seulement 0,2% des échantillons contrôlés dépassaient la limite de mise sur le marché pour le césium, qui est fixée à 100 Bq/kg. En 2011, c’était de l’ordre de 40%. C’était même monté à 57,7% entre avril et juin 2011.

Le document fait aussi le point sur les espèces interdites à la pêche et celles autorisées. 58 espèces font l’objet d’une pêche « expérimentale ».

Une étude en libre accès parue dans Scientific Reports de Nature estime les doses engendrées par la consommation de ces produits de la mer après avoir fait le point sur les contaminations. Les auteurs arrivent à une valeur de l’ordre de 0,6 mSv/an, ce qui n’est pas négligeable. C’est environ 10 000 fois plus que la dose avant la catastrophe nucléaire liée essentiellement à ce qui restait des retombées des essais nucléaires atmosphériques.

Rappelons que la limite annuelle à ne pas dépasser en temps normal est de 1 mSv pour toutes les expositions possibles à la radioactivité qui viennent s’ajouter à la radioactivité naturelle. Si les seules ressources halieutiques contribuent à 60% de cette limite, ce n’est pas rien.

Mais les contaminations prises en compte dans le calcul datent de 2011-2013 et dépassent la limite de mise sur le marché alors que la pêche reste largement interdite sur place. Ce calcul concerne donc un cas virtuel où il n’y aurait pas eu d’interdiction de mise sur le marché. Il justifie donc, a posteriori, l’intérêt d’avoir mis en place des mesures limitatives.

Mauvaises nouvelles pour l’industrie nucléaire

Un groupe d’experts de l’autorité de sûreté nucléaire, la NRA, confirme que la faille sismique qui passe sous le réacteur n°2 de la centrale de Tsuruga (Fukui) est bien active. L’exploitant a récemment décidé d’arrêter définitivement le réacteur n°1 de cette même centrale. Il devra aussi arrêter le 2 car c’est le troisième rapport qui conclut en ce sens. La Japan Atomic Power Company, qui pourrait aussi perdre son réacteur de Tôkaï (Ibaraki) et donc tout son parc, s’accroche : elle refuse ces conclusions et prétend vouloir déposer une demande d’autorisation de redémarrage.

Deux failles situées sous la centrale de Higashidôri (Aomori) pourraient bouger aussi. L’exploitant, Tôhoku Electric, a déposé en juin 2014 une demande d’autorisation de redémarrage pour son réacteur. Les deux failles sont juste à l’Ouest du bâtiment réacteur. Comme elles ne passent pas directement sous le réacteur, cela ne conduit pas nécessairement à l’arrêt définitif. Mais la NRA va sûrement exiger une meilleure protection sismique. En revanche, les experts n’ont pas réussi à se mettre d’accord à propos d’une autre faille qui passe sous des équipements importants pour la sûreté comme la prise d’eau.

Alors que le président de la Japan Atomic Energy Agency (JAEA) venait de s’accorder un auto-satisfecit sur la sûreté de son surgénérateur Monju (Fukui), la NRA vient de trouver de nouvelles failles dans le contrôle de la tuyauterie cette fois-ci. Le président de la NRA a eu des mots très durs envers l’exploitant, estimant qu’il n’était pas qualifié pour exploiter du nucléaire s’il n’est pas capable de contrôler correctement son installation. Ce réacteur expérimental a démarré en 1994 et est tombé en panne en 1995. En décembre prochain, cela fera 20 ans qu’il est à l’arrêt. Quelle performance !

Non seulement ce réacteur est plus dangereux que les autres à cause du sodium liquide utilisé pour son refroidissement, mais en plus, il est géré de façon irresponsable. Toute tentative de remise en service est actuellement suspendue suite à la découverte de failles dans le contrôle d’environ 14 000 items dont certains sont important pour la sûreté. Les nouvelles révélations concernent le contrôle des tuyaux où coule le sodium, qui, rappelons-le, s’enflamme à l’air et explose dans l’eau et qui avait fui en 1995. Personne n’a le courage d’arrêter définitivement ce réacteur ?

Alors que le gouvernement peine à définir sa stratégie énergétique, un groupe de pression économique, la Japan Association of Corporate Executives (Keizaï Doyukaï), demande que la part du nucléaire dans production d’électricité atteigne au moins 20% d’ici 2020, ce qui implique de construire de nouveaux réacteurs. C’était 28% avant mars 2011 et c’est 0% maintenant. Elle réclame aussi que les réacteurs puissent être exploités au-delà de 40 ans.

Transfert de déchets radioactifs

Le gouvernement veut entreposer provisoirement, pour 30 ans seulement, les 22 millions de mètres cube de déchets radioactifs issu de la décontamination sur un site de 16 km2 qui entoure la centrale de Fukushima daï-ichi. Mais le projet est dans les limbes à cause des discussions avec les propriétaires des terrains. Seules deux petites zones ont pu ouvrir pour le moment, une à Futaba et une à Ôkuma, d’une capacité totale de 20 000 m3. Le premier transfert de déchets vers la zone de Futaba, située seulement à 500 m de la centrale de Fukushima daï-ichi, vient d’avoir lieu. Le premier vers Ôkuma a eu lieu le 13 mars dernier et il y a maintenant 246 m3 de déchets sur place.

A Futaba le transport a été effectué avec deux camions chargés de 6 gros sacs d’un mètre cube chacun. A ce rythme là, pour transporter les 22 millions de mètres cube de déchets attendus, il faudra donc 3,7 millions de voyages. Pour remplir le site en 10 ans, il faudra 1 000 transports par jour ! Qui peut croire que les autorités reprendront les déchets au bout de 30 ans ?

Contamination de la Baie de Tôkyô

La NRA a mis en ligne des résultats de mesure de la contamination des sédiments de la Baie de Tôkyô. Tous sont contaminés de 2,36 à 154 Bq/kg sec. Ce sont des niveaux similaires à ce que l’on trouve dans un rayon de 20 km autour de la centrale de Fukushima daï-ichi. Cette contamination est essentiellement due au lessivage des sols et le rejet en mer via les fleuves dans un baie presque fermée.

Il y a aussi deux données sur l’eau de mer et des sédiments prélevés au même endroit.