Retour sur le risque d’abandon de la centrale

Le siège de TEPCo à Tôkyô a-t-il voulu évacuer tout le monde à la centrale de Fukushima daï-ichi, le 15 mars 2011 ? L’agence de presse Kyodo News revient sur ce sujet hautement polémique au Japon. Le PDG de la compagnie aurait bien suggéré un retrait de la centrale. D’autres directeurs ont aussi réclamé des critères pour décider de l’évacuation. Le premier ministre de l’époque, Naoto Kan a été réveillé à ce propos et s’est mis en colère contre TEPCo, lui refusant toute idée d’évacuation. Il s’est rendu dans les locaux de la compagnie pour y installer une cellule de crise commune et y a découvert un système de visio-conférence avec liaison directe vers la centrale accidentée et la cellule de crise située à 5 km. Comment se fait-il alors qu’il avait si peu d’information ? Sa confiance envers la compagnie et son administration s’est encore détériorée.
Le PDG de TEPCo a, par la suite, dit qu’il ne parlait pas d’un retrait complet. Il n’a, manifestement, pas été très clair. L’intervention du premier ministre dans les locaux de TEPCo a été suivie en direct à la centrale et a beaucoup choqué, car il n’y était pas question d’évacuer complètement.
Mais, ce même jour, suite à un bruit faisant penser à une explosion dans le réacteur n°2, le directeur de la centrale a demandé aux personnes sur place de s’éloigner, tout en restant à proximité pour pouvoir revenir rapidement, le temps de comprendre ce qui s’était passé. Comme l’avait révélé l’Asahi, qui a eu accès au témoignage du directeur fait devant la commission d’enquête mise en place par le gouvernement, 90% des personnes présentes sont parties à la centrale de Fukushima daï-ni, située à 12 km et y ont retiré leurs habits de protection, bravant ainsi l’ordre du directeur. Il leur a ensuite fallu du temps pour revenir. L’Asahi y voit une volonté de fuir.
Le journal conservateur Sankei cite le même passage où le directeur de la centrale explique qu’il n’a jamais donné l’ordre de fuir, mais y voit surtout une conséquence de la confusion qui régnait sur place et une incompréhension. Il accuse l’Asahi de tordre les faits, ce qu’il qualifie d’injure à l’honneur du journal.
Il y a donc bien eu un retrait d’une grande partie du personnel le 15 mars. Mais la polémique sur les circonstances et les intentions réelles des dirigeants de TEPCo est loin d’être terminée. Il n’est pas sûr que la publication complète du témoignage du directeur de la centrale ne clarifie les choses.

Piscine du réacteur n°3 : retrait d’un gros débris

Le pont roulant qui sert à mettre ou retirer les barres de combustible dans les piscines de refroidissement s’est effondré dans celle du réacteur n°3 suite à l’explosion hydrogène en mars 2011. TEPCo va bientôt tenter de le retirer. Il s’agit d’une opération délicate à cause de la masse de la poutre principale et du risque pour les combustibles en dessous.

Eau contaminée : “situation sous contrôle”

Il y a un an, le premier ministre japonais déclarait devant le comité international olympique que la situation était « sous contrôle » en ce qui concerne les fuites en mer d’eau contaminée. Un an plus tard, TEPCo a reconnu que le pompage en amont dans les nappes phréatiques ne servait à rien, que le mur gelé dans une galerie souterraine n’a pas pris et, maintenant, que la station de traitement des eaux contaminées, ALPS, n’est toujours pas au point. Outre des pannes à répétition, ses performances ne sont pas à la hauteur des espérances pour quatre éléments.
TEPCo veut donc installer une nouvelle ligne test pour ALPS, avec une meilleure protection contre les fuites et une unité de décontamination supplémentaire pour ces quatre éléments.
Tout doit fonctionner pour décembre 2014 et pouvoir traiter 2 000 m3/jour. Mais cela fait des mois et des mois que la station ALPS est pour bientôt. Les premiers tests ont eu lieu en mars 2013.
En attendant, les fuites en mer continuent et l’eau continue de s’accumuler dans des cuves. Il y en a maintenant 367 000 m3 auxquels il faut ajouter ce qu’il y a dans les sous-sols des réacteurs, bâtiments turbine, galeries souterraines…

Coût de la catastrophe nucléaire

Selon une étude par deux universitaires, Ken’ichi Ôshima et Masafumi Yokémoto, les coûts directs de la catastrophe nucléaire de la centrale de Fukushima daï-ichi s’élèveront à 11 000 milliards de yens (80 milliards d’euros). C’est près du double de l’estimation gouvernementale de 2011. Cela se décompose ainsi :
–    4 910 milliards de yens (36 milliards d’euros) d’indemnisations des évacués ;
–    2 480 milliards de yens (18 milliards d’euros) pour la décontamination ;
–    2 170 milliards de yens (16 milliards d’euros) pour le démantèlement des réacteurs ;
–    1 076 milliards de yens (7,9 milliards d’euros) pour la gestion des déchets radioactifs engendrés par l’accident, sans leur stockage définitif, qui est inconnu.
Il s’agit du prix minimum, préviennent les auteurs. D’autres études donnent un coût deux fois plus élevé pour la décontamination. Le fond de soutien gouvernemental, qui avance, sans intérêt, le coût de l’indemnisation, a fixé à 9 000 milliards de yens la limite. Cette estimation ne prend pas en compte tous les coûts indirects sur l’économie locale, l’industrie nucléaire japonaise…

Accord pour le centre de stockage

Les autorités régionales de Fukushima ont donné leur feu vert à l’installation à Futaba et Ôkuma d’un centre d’entreposage de déchets radioactifs issus de la décontamination après en avoir discuté avec les communes, l’assemblée régionale et des chefs de communauté. L’annonce officielle est prévue pour vendredi. Débuteront alors les négociations avec les 2 000 propriétaires terriens. Il est toujours prévu que ces déchets quittent les sites au bout de 30 ans, sans que personne ne sache où.

Statistiques scolaires

Selon les statistiques officielles du ministère de l’éducation, il y a encore 11 452 enfants scolarisés en dehors de leur province d’origine suite à la triple catastrophe à Iwaté, Miyagi et Fukushima. Mais, c’est à Fukushima que l’exode a été le plus élevé, avec 9 767 enfants.
21 775 enfants ont dû changer d’école dans ces trois provinces, suite à la triple catastrophe, dont 15 281 à Fukushima. C’est donc à Fukushima que les enfants ont été le plus éloignés, à cause des craintes liées à la radioactivité. 60% des enfants qui ont changé d’école ont quitté la province.

Risque sismique sur la côte Ouest

Selon une nouvelle étude commandée par le gouvernement, la côte de la Mer du Japon est aussi exposée au risque tsunami que la côte pacifique. La vague la plus élevée pourrait atteindre 23,4 m à Hokkaïdô. Au niveau des nombreuses centrales nucléaires situées le long de la Mer du Japon, la nouvelle estimation est plus faible que les critères retenus par les exploitants. En revanche, en certains points, la vague pourrait venir très vite, en une minute environ.

Suicides liés à la catastrophe nucléaire

La justice a jugé recevable la plainte de la famille de Hamako Watanabé qui s’était suicidée en juillet 2011, lors d’une visite ponctuelle dans sa maison de Kawamata, commune évacuée. La famille réclamait 91,16 millions de yens (665 000 euros) et a obtenu 49 millions de yens (358 000 euros). Le tribunal a estimé qu’il y avait un lien direct avec l’accident, ce que contestait TEPCo qui mettait en avant d’autres facteurs qui auraient contribué au suicide, comme des troubles du sommeil et des soins antérieurs à la catastrophe.
TEPCo n’a pas décidé si elle allait faire appel ou non. C’est la première fois que TEPCo est condamnée à indemniser la famille d’une personne qui s’est suicidée. Il y a eu un précédent, résolu par une négociation à l’amiable, via la commission de conciliation. Il y a d’autres plaintes en cours d’instruction.
56 suicides sont considérés comme liés à la triple catastrophe à Fukushima. C’est plus que dans les provinces voisines de Miyagi et d’Iwaté où c’est respectivement 37 et 30. A Fukushima, le taux de suicide parmi les réfugiés est à la hausse : 10 en 2011, 13 en 2012, 23 en 2013 et déjà 10 jusqu’en juillet cette année. Les lettres d’adieu ou le témoignage des proches sont utilisés pour faire le lien avec les catastrophes.

Offre gouvernementale pour les déchets radioactifs

Le gouvernement et les autorités régionales de Fukushima ont précisé leur offre aux deux communes, Futaba et Ôkuma, qui acceptent l’installation d’un site « temporaire » d’entreposage des déchets radioactifs dus à la catastrophe nucléaire. La région va leur verser directement 15 milliards de yens (110 millions d’euros) pour rebâtir les communes et aider les habitants à refaire leur vie et le gouvernement 85 milliards de yens (620 millions d’euros). Cette somme est incluse dans l’offre globale faite récemment et servira, notamment, à compenser la perte de valeur des terrains suite à la catastrophe. Une brochure explicative va être distribuée à tous les habitants et un numéro vert mis en place.
Les conseils municipaux se sont déclarés satisfaits mais certains membres ont demandé au gouvernement de rencontrer directement les propriétaires des terrains concernés avant de prendre une décision finale.

Reprise de la pêche à Iwaki

Les pêcheurs d’Iwaki vont reprendre la pêche de la petite friture (petits poissons de 3 cm qui sont bouillis et séchés) pour la première fois depuis le début de la catastrophe. Il s’agit d’une pêche expérimentale avant de reprendre une pêche commerciale. Les pêcheurs avaient voulu reprendre en octobre 2013, mais le scandale de l’été précédent sur les fuites en mer avait suspendu leur projet.
17 bateaux sont partis en mer ce premier jour et ont rapporté 3 tonnes de poissons qui ont été testés et déclarés conformes aux normes de mise sur le marché. Cette friture représentait la principale activité des petits bateaux de pêche, qui ne reprend, d’abord, qu’avec une seule sortie par semaine.